Couverture ElectroniqueS n°127

Parmi la foule de cartes de développement économiques utilisées par le grand public pour bricoler des fonctions électroniques plus ou moins poussées ressortent trois grandes familles représentatives de leur popularité et de leurs fonctionnalités. I lyade cela dix ans, les électroniciens amateurs et autres bricoleurs du fer à souder en étaient encore le plus souvent réduits à fabriquer des alarmes ou des émetteurs radio à partir de composants chinés dans des boutiques spécialisées et de montages piochés dans des magazines ad hoc. Le numérique, à la complexité exponentielle, restait dans une large mesure hors de leur portée, exception faite des microcontrôleurs 8 bits les plus simples à mettre en œuvre. Mais, depuis quelques années, l'éclosion de plates-formes 16 et 32 bits non-propriétaires entourées d'écosystèmes matériels et logiciels complets et abordables leur a permis d'accéder à des fonctions de plus en plus sophistiquées et, avec quelques bases en programmation, de concevoir des systèmes de plus en plus puissants. Ces cartes Raspberry Pi, BeagleBone et Arduino, pour ne citer que les plus célèbres, suscitent actuellement de nombreuses vocations, tant chez les amateurs éclairés que chez les étudiants, et jusqu'aux professionnels de l'industrie qui y voient de plus en plus une manière simple, économique et rapide de tester leurs idées et de présenter des prototypes fonctionnels et relativement proches de réalisations commercialisables en termes de coût et d'encombrement. Ces matériels open source ont déjà été distribués à des centaines de milliers d'exemplaires, preuve d'un engouement loin d'être circonscrit aux seuls amateurs. DERRIÈRE LES TROIS TÉNORS, UNE OFFRE FOISONNANTE > Intel a lancé Edison, son PC ultra-miniature destiné aux objets connectés. Ce module embarque un Atom à deux cœurs Silvermont cadencés à 500MHz épaulé par un processeur Quark à 100MHz, 1 Go de DRam LPDDR3, 4 Go de mémoire flash, une puce d'émission-réception Wi-Fi/Bluetooth (le 43340 de Broadcom) et des interfaces USB2.0, SD, UART et SPI. Le tout permet de faire tourner le Linux Yocto v1.6. Commercialisé autour de 50$, ce module est compatible avec l'environnement Arduino. > Le chinois LeMaker offre des cartes Banana (très) inspirées des Raspberry Pi. La Banana Pro comprend un processeur à double cœur Cortex-A7 à 1GHz, un processeur graphique Mali400 et 1 Go de DRam DDR3, ainsi qu'un slot µSD, le tout étant compatible avec l'environnement Raspberry Pi B+. > Un autre chinois, NanoPC, propose le NanoPC-T1 architecturé autour d'un processeur Exynos4412 de Samsung à quatre cœurs Cortex-A9 et accompagné de 1 Go de DRam DDR3, 8Go de flash Nand et de ports USB2.0 et HDMI. > Le sud-coréen Hardkernel offre toute une gamme de cartes ODROID très similaires aux Raspberry Pi, telles que l'ODROID-C1 qui comprend un processeur à quadruple cœur Cortex-A5 et GPU Mali-450, 1Go de DRam DDR3, un port de stockage eMMC4.5 et un récepteur infrarouge. > L'américain LinkSprite a développé les cartes pcDuino qui, comme leur nom l'indique, s'interfacent naturellement avec les environnements Arduino. La pcDuino3 Nano s'appuie sur un processeur AllWinner A20 à double cœur Cortex-A7, 1Go de Dram et 4Go de flash Nand. > L'israélien SolidRun propose une famille de cartes baptisées HummingBoard. La HummingBoard-i2eX embarque un processeur Freescale i.MX (double cœur Cortex-A9 à 1,2GHz), un GPU Vivante GC2000, quatre ports USB2.0 et des connecteurs mSATA2, PCIe, µSD et HDMI. > Citons enfin dans cette liste loin d'être exhaustive les CubieBoard dont la quatrième itération comprend un processeur AllWinner A80 à quadruple cœur Cortex-A15 et processeur graphique Imagination G6200, 2Go de DRam DDR3, 8Go de flash eMMC et des interfaces HDMI1.4, USB2.0, Ethernet, Wi-Fi et Bluetooth. < Eben Upton, l'un des concepteurs de la plateforme Raspberry Pi, dans l'usine Sony de Pencoed. Arduino, pour démarrer en 8 bits Pionnier de ces environnements matériels ouverts, Arduino est aussi, sans doute, la plus simple à utiliser. Au cœur du système résidaient à l'origine des microcontrôleurs 8 bits ATmega d'Atmel (ATmega328 ou ATmega2560 pour les versions récentes, ATmega168 ou ATmega8 pour les plus anciennes), aisés à programmer et consommant peu d'énergie. Arduino est donc largement utilisé dans des systèmes nomades, communiquant via une liaison radiofréquence et/ou exploitant des signaux issus de capteurs, dans un large spectre d'applications allant de la domotique à la robotique en passant même par le multimédia. Embarquant la régulation de tension pour simplifier l'alimentation ainsi que la génération d'horloge, ces modules sont généralement programmés en langage Arduino (un langage convivial et facile à appréhender pour les béotiens) ou en C/C++ via une interface série (type RS-232 ou USB) au moyen d'une application Java libre et multiplateforme (Windows, OS X, Linux) servant à l'édition du code et à sa compilation. Les modules Arduino disponibles, qu'ils soient « officiels» ou simplement compatibles avec les spécifications, sont aujourd'hui très nom-breux et offrent un large choix au développeur amateur, qu'il s'agisse du processeur embarqué (certains modèles sont passés à des microcontrôleurs à cœur 32 bits Cortex-M), de la mémoire, de la connectivité(plusieurs modèles sont équipés d'une liaison sans fil Bluetooth ou d'un port Ethernet), du choix des entrées-sorties… De même, des logiciels compatibles avec les spécifications Arduino sont venus étoffer les possibilités offertes aux programmeurs, ajoutant qui une interface graphique, qui des solutions graphiques 2D/3D, qui des langages de codage évolués. Grâce à son approche modulaire, de nombreusescartes d'extension ontégalement fait leur apparition : écrans LCD, interfaces tactiles ou radiofréquences (y compris NFC, Wi-Fi et GSM), capteurs de mouvements, lecteurs de carte mémoire SD, décodeurs MP3, GPS, joystick… Tel un Meccano, les possibilités d'Arduino semblent infinies, d'autant que la communauté regorge d'exemples de montages, de lignes de codes vérifiées, de forums d'aide et de blogs de passionnés. Face au succès rencontré sont également apparues des cartes compatibles Arduino mais basées sur d'autres microcontrôleurs fabriqués par Texas Instruments, Freescale, Microchip ou encore NXP. Des événements comme les Maker Faire témoignent de la vitalité de la communauté des électroniciens amateurs. BeagleBone, pour la puissance Les autres plates-formes emblématiques du Do-It-Yourself électronique fonctionnent sur des principes similaires (matériel à bas coût, logiciels open source, cartes additionnelles permettant d'ajouter des fonctions, communauté en pleine explosion), avec bien sûr des particularités pour chacune. BeagleBoard se distingue par son origine située dans les laboratoires de Texas Instruments, plus précisément de la collaboration entre Jason Kridner et Gerald Coley, spécialisés respectivement dans les aspects logiciels et matériels de la gamme de processeurs ARM Sitara de l'américain. Pour orchestrer les modules Beagle-Board, on retrouve logiquement ces processeurs Sitara à cœur 32 bits ARM (notamment l'AM335x et son Cortex-A8 tournant jusqu'à 1 GHz et épaulé par un accélérateur graphique 3D SGX530, un cryp-toprocesseur ou encore un contrôleur d'écran LCD tactile). La puissance de calculetlamémoireembarquée sont donc ici largement supérieures à ce qu'on trouve par exemple dans le camp Arduino, ce qui peut constituer un handicap dans les applications nomades à très faible consommation, mais qui étend leur champ d'action et leur permet, surtout, de faire tourner un système d'exploitation temps réel comme QNX ou même Linux ou Android. Beagle-Bone Black, la dernière version de cartes BeagleBoard, se veut ainsi une mouture économique mais non dénuée depuis-sance. Elle comporte un processeur AM335x cadencé à 1 GHz, deux microcontrôleurs 32 bits, 512 Mo de mémoire DRam DDR3L, 4 Go de mémoire flash Nand eMMC et un contrôleur d'alimentation TPS65217C et, pour ce qui est de la connectique, des ports USB, Ethernet et HDMI. Le tout tient dans un format compact digne d'une carte de crédit et peut être déniché à moins de quarante euros! BeagleBone Black corrige les deux principaux défauts relevés par les utilisateurs de la carte BeagleBone originelle, à savoir le prix et l'absence de port vidéo, tout en doublant la quantité et la rapidité de mémoire vive et en accélérant la cadence maximale du processeur. L'outil conserve en revanche tous ses avantages, à commencer par le support d'Android et d'Ubuntu. Les plus créatifs (et équipés) peuvent même créer leurs propres cartes Beagle-BoneBlack, puisque le site officiel de la communauté propose tous les fichiers, schémas et listes de composants requis à cet effet. En outre, plusieurs dizaines de cartes d'extension existent sur le marché, et jusqu'à quatre de ces cartes peuvent être connectées simultanément sur une seule BeagleBone Black afin d'ajouter un écran tactile, une caméra, une batterie, des capteurs… La connectivité des cartes économiques (ici Arduino) permet de bâtir des systèmes très évolués à moindre coût. Raspberry, reine du multimédia économique La chapelle Raspberry Pi, qui s'appuie sur des processeurs Broadcom, compte également de nombreux adeptes. Ici, l'impulsion originelle a été donnée à l'université de Cambridge afin de redonner aux étudiants le goût du développement informatique au plus proche du matériel. « Alors que les élèves des années 90 voyaient la programmation comme un hobby passionnant, ceux des années 2000 n'apprenaient plus qu'à utiliser Word et Excel et à concevoir des pages Web », constatent les créateurs de la fondation Raspberry Pi. Ont donc été réalisés plusieurs prototypes entre 2006 et 2008, jusqu'à fixer en 2011 les spécifications de la Raspberry Pi model B. Positionnées entre l'entrée de gamme Arduino et le haut de gamme BeagleBoard, les cartes Raspberry Pi A et A+ sont basées sur des puces BCM2835 à cœur ARM1176JZ-F cadencé jusqu'à 700 MHz et 256 Mo de Ram, et sont fabriquées dans une usine Sony de Pencoed (Pays de Galles). Elles tirent une grande partie de leur popularité du coprocesseur multimédia embarqué, capable d'encoder et de décoder des flux vidéo 1080p à la volée, ce qui permet d'en faire des serveurs multimédias ou des émulateurs d'anciennes consoles de jeux vidéo pour moins de vingt euros. Diverses distributions Linux ont été adaptées pour ces cartes Raspberry Pi, telles qu'ArchLinux, Debian et Raspbian.

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