Couverture ElectroniqueS n°127

Le cocktail «smartphone+capteurs» permet de prendre en considération davantage d'indicateurs de santé, de confort et de forme physique. Il est surtout à la base de nouveaux systèmes de dépistage et de surveillance des maladies. Des appareils qui présentent le grand intérêt d'être peu coûteux. L e smartphone et les capteurs révolutionnent la santé. Le smartphone est devenu le centre de visualisation et de traitement des données pour des applications visant à améliorer la santé, le confort et la forme physique, ainsi que pour des applications de dépistage et de surveillance de maladies comme la maladie de Parkinson. Il fonctionne en liaison avec une panoplie de plus en plus conséquente de capteurs. Et le duo «smartphone +capteurs » est appelé à prendre de plus en plus d'importance dans les pays pauvres, dépourvus d'infrastructures médicales comme, par exemple, en Afrique. Les pays industrialisés, et au premier chef la France où les dépenses de santé par habitant sont les deuxièmes au monde, sont également concernés par la prévention permise par le «connecté». Dans l'Hexagone, le 23 septembre dernier, le think tank Renaissance Numérique a ainsi publié un livre blanc intitulé « D'un système de santé curatif à un modèle préventif grâce aux outils numériques »présentant seize propositions. Renaissance Numérique préconise, entre autres, de mettre en place un système de labellisation des applications mobiles et des objets connectés –ce qui permettrait de rejeter les outils douteux –, de procéder à une évaluation médico-économique des applications mobiles et des objets connectés en copiant la démarche d'autorisation de mise sur le marché des médicaments avec pour objectif un remboursement des outils retenus, et de faire appel aux acteurs de l'e-santé pour harmoniser les protocoles de collecte et de stockage des données afin de garantir l'interopérabilité. Selon Renaissance Numérique, les traitements permis par les technologies mobiles permettraient à 141 millions de personnes dans le monde d'améliorer leur mode de vie. Il est à noter que 70 % des applications de santé concernent le bien-être et la forme physique. < Les mesureurs de santé et de forme physique font entrer le monde dans une ère de responsabilité où la maladie sera, plus qu'avant, la conséquence des choix néfastes de l'individu quant à son alimentation, son mode de vie et ses priorités. Le capteur ne ment pas Le lit d'hôpital coûte cher à la collectivité. En outre, en demeurant chez lui, dans un milieu qui lui est familier et dans lequel il se sent bien – exception faite des logements peu accueillants voire insalubres –, le malade a davantage de chance de se rétablir plus vite. D'où le courant de santé actuel visant à ce que le malade reste chez lui le plus possible. Ce qui est permis par le développement de la technologie. Vital Connect, qui vient d'annoncer que la FDA américaine autorisait la commercialisation de son capteur HealthPatch MD, travaille dans cette optique. Installé sur la poitrine du malade par le biais d'un patch, le HealthPatch MD enregistre l'activité électrique cardiaque de ce dernier (comme le fait un électrocardiographe), son rythme respiratoire et sa température, en même temps qu'il détecte toute chute du porteur. Les données sont transmises via Bluetooth 4.0 et les soignants reçoivent des alertes sur leurs smartphones en cas de problème (chute) ou de détérioration de la santé. La batterie assure une autonomie de mesure comprise entre 48 et 72 heures. Dans la pratique, le HealthPatch MD a une épaisseur de 6mm et ne pèse que 10 grammes. Aujourd'hui, l'enregistrement en continu d'informations relatives à la santé du patient permet aussi aux médecins de disposer de données plus objectives que les réponses du malade. Ce qui s'avère particulièrement utile pour ajuster les traitements médi-camenteux. C'est en tout cas ce que propose le Parkinson'sKine-tiGraph (PKG), commercialisé par Global Kinetics Corporation , qui vient de recevoir l'approbation de la FDA pour sa commercialisation aux Etats-Unis. Le PKG enregistre les mouvements de la personne atteinte de la maladie de Parkinson, ce qui permet au médecin de doser précisément les médicaments en contrôlant leurs effets avec une grande objectivité, et ce durant une période de 10 jours. Le système repose sur un accéléromètre intégré à un bracelet. Les informations issues de ce capteur de mouvement sont traitées par un algorithme et traduites en données aisément compréhensibles, affichées sur l'écran d'une tablette. Dans la pratique, les informations en provenance de l'accéléromètre sont transmises à la tablette qui les envoie à un serveur Global Kinetics Corporation qui les traite puis retourne des graphes, etc. permettant de visualiser clairement l'évolution de la maladie en fonction du traitement choisi. Le capteur travaille 24h/24 Les données issues des capteurs vont aussi servir à l'étude de nouveaux médicaments anti-Parkinson. En effet, l'analyse des Big Data progresse. Des grands de l'électronique y travaillent déjà: en août dernier, Intel s'est ainsi associé à la fondation Michael J. Fox pour la recherche sur la maladie de Parkinson. Intel travaille à une application qui permettra de corréler des données sur les tremblements, l'équilibre, la démarche et les cycles de sommeil du malade parkinsonien, d'une part, et des prises de médicaments, d'autre part. La fréquence d'observation sera de l'ordre de 300 unités par seconde, d'où une masse de données à traiter de l'ordre de 0,25Go par jour. De façon similaire, la société française Bioserenity, travaillant en liaison avec l'association britannique Epilepsy Action et l'association française Efappe, a mis au point un système de détection des crises d'épilepsie. Baptisé Wemu, ce système repose sur des capteurs ainsi que sur une application fonctionnant sur smart-phone. Disposés dans un vêtement et dans un bonnet, les capteurs surveillent les activités cardiaques, musculaires et cérébrales du patient. Les données en provenance de ces capteurs sont transmises via Bluetooth Low Energy à l'application. Le patient peut alors visualiser sur son smartphone des données sous forme de courbes… Ces informations peuvent aussi être envoyées à un serveur, ce qui permet alors aux professionnels de santé de les consulter. Le fabricant du Wemu cherche aujourd'hui des fonds pour finaliser son produit et le fabriquer en série. Plus banal, le thermomètre devient lui aussi connecté. Depuis septembre dernier, Visiomed commercialise ainsi, sous la marque BewellConnect, un thermomètre infrarouge connecté, le MyThermo. La prise de température se fait sans contact avec le corps et les informations sont transférées via Bluetooth Low Energy à un smartphone ou à une tablette où une application dédiée les transforme en données lisibles. En 2013, quatre étudiants ougandais de l'université de makerere (Kampala) ont mis au point un système de diagnostic de la malaria incluant un capteur et une application sur smartphone. des smartphones diagnostiqueurs de malaria Le machine-to-machine représente aussi une chance pour les pays pauvres qui peuvent espérer se doter à peu de frais d'équipements de santé, en particulier de matériels de détection des maladies. Aujourd'hui encore, et depuis plus de 150 ans, l'analyse de sang demeure l'outil par excellence de diagnostic des maladies. Toutefois, avant tout diagnostic, cette analyse impose le prélèvement d'un échantillon de sang puis, soit une observation au microscope réalisée par un professionnel soit une analyse chimique suivie d'une interprétation. Or, fréquemment, parce que le pays manque d'infrastructures de santé ou parce qu'une épidémie surgit dans la foulée d'une catastrophe naturelle, il est difficile de recourir à une telle analyse; en outre, il est souvent crucial d'obtenir rapidement un diagnostic. D'où l'intérêt des détecteurs portables. La malaria fait partie des maladies affectant les pays pauvres pour lesquelles un dépistage précoce pourrait éviter l'apparition de troubles, de séquelles ainsi que, dans le cas des femmes enceintes, de fausses couches. Selon « Le rapport 2013 sur le paludisme dans le monde » publié par l'OMS en 2012, la malaria a touché 207 millions de personnes et il y a eu 627000 décès dus à cette maladie (ces données sont toutefois entachées d'incertitudes très importantes). Le dépistage du paludisme serait évidemment facilité si le personnel médical disposait d'un analyseur portable capable de diagnostic. Avec dans l'idée de résoudre ce problème, plusieurs informaticiens californiens ont mis au point, en septembre dernier, Athelas, une application fonctionnant sur smartphone et réalisant un comptage des cellules touchées par le paludisme. L'expérience a été réalisée à partir de l'appareil photo d'un iPod dont l'objectif a été complété par une lentille sphérique d'un millimètre de diamètre ce qui l'a transformé en microscope. Après qu'ait été prise la photo d'une goutte de sang du patient, l'application Athelas procède à l'analyse de l'image et recense, le cas échéant, le nombre de cellules touchées par le paludisme posant alors un diagnostic de malaria. Ce test ne prend que quelques secondes et ne coûte pratiquement rien… En 2013, quatre étudiants ougandais de l'université de Makerere (Kampala, Ouganda) avaient déjà mis au point un système similaire de diagnostic de la malaria sur smartphone permettant un dépistage avant l'apparition de troubles. Dans ce pays de 37,6 millions d'habitants, environ 40 % de la population serait atteinte par le paludisme et cette maladie serait la cause de 40000 à 70000 décès chaque année. Une innovation ougandaise Baptisée Matibabu (qui signifie « centre médical » en swahili), cette application a été prévue pour fonctionner avec des smart-phones équipés du système d'exploitation Windows Phone (ex-Windows Mobile). Dans la pratique, la personne à diagnostiquer insère un doigt dans le « matiscope », un mini-tunnel de mesure relié au smartphone. Dans ce mini-tunnel, un émetteur de lumière infrarouge et un récepteur de mesure de la dispersion de la lumière fournissent des informations sur la structure des globules rouges sanguins. Puis l'application Matibabu repère les globules rouges infectés qui présentent une structure différente de celle des globules sains. En outre, les résultats de l'analyse peuvent être envoyés via Internet au médecin traitant. Les quatre chercheurs travaillent actuellement à la mise au point de versions de Matibabu fonctionnant avec d'autres systèmes d'exploitation que Windows Phone (Android…). L'application Matibabu devrait être proposée au public dès 2015 ; elle sera gratuite mais le matiscope coûtera, lui, entre 20 et 35 dollars.

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