Le projet de General Vision, qui prévoyait une reprise d’activité, et surtout, la sauvegarde de 220 emplois, dont 120 personnes la première année, a été écarté par le tribunal de commerce de Paris.
Le tribunal de commerce de Paris a annoncé, vendredi 13 juin, sa décision de céder l’usine de LFoundry, basée à Rousset (Bouches-du-Rhône), ou plutôt son outil de production, à un broker brésilien pour un montant de 18 millions d’euros, lui préférant le projet de General Vision qui prévoyait une reprise d’activité, et surtout, la sauvegarde de 220 emplois, dont 120 personnes la première année – en priorité des ex-salariés de LFoundry -, mais qui n’offrait pour cela que 9,5 millions d’euros.
Six mois après avoir été placée en liquidation judiciaire qui a privé 613 salariés de leur emploi, l’usine a ainsi été confiée à une société brésilienne répondant au nom de « Six Semiconductores ». Une société dont les intentions sont claires, démanteler le site d’ici deux ans pour implanter la fabrication de semi-conducteurs au Brésil.
Des anciens salariés dénoncent un « gâchis »
Nous avons reçu plusieurs témoignages d’ex-salariés, partisans du projet de reprise de General Vision, qui parlent de « scandale » et de « véritable gâchis » alors que le credo du ministère du Redressement productif est de sauver l’emploi en France… De plus, selon Valérie Zoppi, une ex-salariée qui défendait le projet de General Vision, « le site devra être dépollué, pour un coût estimé à 24 millions d’euros ». « Bien entendu la dépollution ne sera pas payée par les Brésiliens », ajoute-t-elle.
Il faut également souligner que le broker brésilien qui l’a emporté par décision de justice « demande, en plus de récupérer les équipements pour 18 millions d’euros, qu’une équipe de R&D LFoundry Rousset lui transfère le savoir-faire pour l’aider à développer les technologies propriétaires LFoundry dites LF110 et LF150 au Brésil. En plus d’un pillage d’équipements nous assisterions à un vrai pillage intellectuel », déplore Valérie Zoppi, rappelant que « ces technologies ont été développées en collaboration avec des équipes du CEA Leti ».
Dès à présent, un collectif d’anciens salariés a demandé au parquet de faire appel de la décision du tribunal de commerce de Paris.
« Au nom des 158 ex-salariés de LFoundry qui ont signé la lettre ouverte, nous souhaitons faire savoir notre indignation et notre colère face aux argumentaires notifiés sur l’ordonnance » du tribunal de commerce datée du 10 juin, déclarent ces anciens salariés dans un communiqué.
Ces derniers, qui défendaient la solution de reprise du site présentée par la société californienne General Vision, notent avec amertume que le juge consulaire fonde le rejet de ce projet, notamment sur l’absence de précision « sur la garantie de création d’emplois » et sur les possibilités de pérennisation de ces emplois, « alors que la vente des équipements à la société brésilienne Six Semicondutores est synonyme de démantèlement du site », soulignent-ils.
Le projet de General Vision n’offrait pas assez de garantie selon le juge
Le juge a estimé, pour sa part, dans sa décision, que la proposition de poursuite d’activité de General Vision, prévoyant la création de 220 emplois sur deux ans, « risquait de voir ce projet échouer à court terme ».
La décision du tribunal de commerce stipule que Six Semicondutores pourra entrer en possession de ses biens « au jour du règlement du prix, soit le 20 juin », une date qui ne tient pas compte « des délais de recours légaux », estiment le collectif de salariés. Pour tenter de se faire entendre, les personnes qui ont soutenu le projet General Vision se rassembleront ce mardi 17 juin à 14h devant le site LFoundry de Rousset et le jeudi 19 juin devant la sous-préfecture d’Aix.
Cependant, une partie des salariés licenciés de LFoundry ne croyaient pas non plus à la pérennité du projet de General Vision et s’étaient rangés à l’avis de Maître Fiodor Rilov, qui estimait qu’il n’y avait « pas à ce jour de candidat ayant un projet d’entreprise sérieux pour une reprise de l’activité ».
Cet avocat parisien a été mis en cause dans le cadre de plusieurs autres affaires de cession-acquisition pour avoir, selon certaines sources, privilégié des ventes au plus offrant au détriment des projets de sauvegarde d’emplois. Il a aussi entamé différentes actions en justice contre l’ancien propriétaire du site du Rousset, le groupe américain Atmel, à qui il reproche d’avoir sciemment revendu en 2010 l’usine au groupe allemand LFoundry, alors en difficulté, afin de fermer l’entreprise à moindre coût. Une action collective (“class action”) avait ainsi été engagée devant une juridiction new-yorkaise pour faire annuler la cession de 2010 et démontrer la responsabilité d’Atmel à l’égard des salariés. Mais cela n’a encore donné lieu à aucun dédommagement à ce jour…