Couverture ElectroniqueS n°127

Les “ Rencontres Gixel 2003 ”, qui viennent de réunir à Deauville la profession des composants passifs, certains de ses clients et des représentants de la filière électronique, se sont déroulées dans une atmosphère de “ confiance retrouvée ”. Deauville Les rencontres annuelles du Gixel, qui ont eu lieu cette année les 4 et 5 décembre à Deauville, se sont déroulées dans une ambiance particulière à plus d'un titre. Tout d'abord, tous les chefs d'entreprises l'ont constaté, la reprise est là. Ce n'est plus un espoir mais une réalité. Il s'agissait ensuite de la première grande manifestation réunissant de très nombreux membres de la filière électronique depuis ses assises en juillet dernier. Les commentaires à ce propos sont donc allés bon train et des projets de grands programmes fédérateurs ont été évoqués. Enfin, pour la première fois lors de ce type de rencontres, le thème principal des présentations a été “ L'électronique au c&oelig;ur des systèmes aéronautiques, militaires et spatiaux ”, des marchés certes moins importants que les télécoms ou l'automobile mais plus stables, normalement apporteurs de R&D, et un peu moins ouverts, de fait, à la concurrence asiatique que les autres.A tout seigneur tout honneur, le plus important thème de conversation aura été à Deauville la conjoncture. Les affaires reprennent. Tous les secteurs consommateurs sont à nouveau demandeurs et passent des commandes. Y compris le secteur des télécoms filaires et même optiques, a priori le plus malade ! Bien entendu, dans le secteur des passifs, il n'est pas question de pénurie. Tous les fournisseurs ont abaissé leur point mort, certes, “ mais il y a encore de la marge dans les capacités de production ”, confient ces derniers avec honnêteté. Les plus étonnés sont les fournisseurs de condensateurs tantale, la bête noire de tous les acheteurs lors de la précédente pénurie. « Les surcapacités actuelles sont énormes et les prix continuent de baisser. Nous ne comprenons donc pas la volonté de certains acheteurs de vouloir restocker », nous ont déclaré deux fournisseurs.La faiblesse du dollar, un vrai protectionismeTout irait donc à nouveau nettement mieux s'il n'y avait ce dollar qui continue de baisser et qui casse la rentabilité de tout ce qui est produit en euros. Les chefs d'entreprises n'arrivent que très mal à se couvrir contre les fluctuations du dollar et ne peuvent que délocaliser pour produire plus dans la monnaie américaine ou… tenir et espérer des jours meilleurs. Mais ils ne cachent pas un certain affolement : la limite du supportable est déjà dépassée… Le malheur, c'est que le protectionnisme américain a une façade non seulement politiquement acceptable mais acceptée, sinon même souhaitée, par exemple par la BCE ! La prévision de Jean-Philippe Dauvin, chef économiste chez ST, qu'un krach financier était devenu inévitable en Chine à plus ou moins long terme a suscité un immense intérêt, mais sans que personne sache trop si ce “ krach ” serait positif ou négatif pour l'Europe…Deuxième thème des discussions de couloir à Deauville, la filière électronique. Tous ses représentants ou presque étaient sur place ; ils se sont montrés plus liés et plus décidés que jamais à défendre les intérêts de l'électronique française, non seulement pour leur propre survie mais aussi pour celle de tous les secteurs industriels français : sans savoir-faire électronique en France, ces derniers auront en effet toutes les peines du monde à innover dans le futur. Ce ne sont pas les seuls emplois de la filière qui sont en jeu mais tous ceux liés à l'industrie et à de nombreux services dépendant des technologies de l'information. Suite à la crise de 2001-2002, la production électronique en France se retrouve finalement amputée de la moitié de ses forces environ : il s'agit maintenant de stopper l'hémorragie et de remonter la pente. Principal objectif de la filière, donc : convaincre les pouvoirs publics qu'il faut relancer de grands programmes industriels, comme dans les années 1960 et 1970 ; des propositions sont en préparation (voir nos pages 3 et 4).Autre thème ayant “ imprégné ” les débats à Deauville, celui de l'externalisation. Cette dernière a pour conséquence la naissance de sous-traitants de rang 1, 2 ou même 3, chacun externalisant à l'autre ce qu'il ne ressent pas être son c&oelig;ur de métier. Mais cette complexification des relations entre sociétés apporte elle-même beaucoup de travail et des soucis. Des retards de livraison, des stocks qui se cumulent dans la chaîne d'approvisionnement… Une seule solution : jouer à tous les niveaux la transparence et la confiance. Ce qui est très difficile en pratique, chacun voulant rester maître et indépendant sur son pré carré. A noter toutefois que le concept de “ société virtuelle ” inventé par Motorola (pousser la transparence à un point tel que tous les intervenants extérieurs dans un projet en sachent autant que s'ils faisaient réellement partie d'une même société) n'a pas été évoqué à Deauville.Mais le thème principal de la manifestation, celui pour lequel tout le monde était venu et qui faisait l'objet de l'essentiel des présentations, était celui des marchés “ aéro-mil ”, comme le milieu les appelle familièrement. Toutes les présentations ont été de haut niveau. Remarque la plus amère : aux Etats-Unis, les industries civiles profitent pleinement des retombées des programmes militaires. En Europe, c'est l'inverse : la DGA profite à moindres frais de l'innovation civile en commandant des “ démonstrateurs ” aux industriels qui ont déjà mené des recherches de base sur fonds propres (ou en provenance d'autres ministères).La manifestation de Deauville aura aussi été l'occasion pour les sociétés clientes de lancer un véritable cri d'alarme sur l'obsolescence des composants. Les sommes en jeu ne deviennent considérables que lorsque l'obsolescence est constatée et porte toujours sur de petites quantités de pièces. Ce qui explique que le problème ne fasse que rarement la une de l'actualité. Beaucoup reste à faire en la matière.Parmi tous les changements dans les marchés de “ l'aéro-mil ” évoqués à Deauville, il en est un qui doit être particulièrement retenu : l'avion de combat deviendra peut-être d'ici à vingt ans un produit inutile. Cela fait des années que des avions de combat ne se sont pas confrontés dans le ciel, et la volonté actuelle de préserver des vies humaines sur les théâtres d'opérations ne renversera pas la tendance. La priorité des priorités devient donc l'avion sans pilote, autrement dit le drone. Avec une foule de déclinaisons pour que les drones puissent remplacer l'avion de combat dans les différentes fonctions qui lui sont assignées. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour la France, qui, de toute façon, n'a pas l'intention de lancer un successeur au Rafale.

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