Couverture ElectroniqueS n°127

L'industrie photovoltaïque est promise à un bel avenir et affiche déjà une croissance de 40 % par an au niveau mondial. Sur ce secteur naissant, la France a plusieurs atouts : une production de cellules non négligeable et une recherche de pointe. Reste à avoir une volonté politique à la hauteur de l'enjeu. L'épuisement prévisible des ressources en énergies fossiles et la nécessaire réduction des émissions de gaz carbonique imposent le passage dans les trente années à venir d'une industrie basée aujourd'hui à plus de 65 % sur ces énergies (principalement pétrole, gaz et charbon) à un système basé sur les énergies renouvelables, et très probablement en grande partie sur l'énergie solaire. La technologie des cellules photovoltaïques, qui permet de transformer l'énergie du rayonnement solaire en électricité, est déjà exploitée, notamment en Europe avec un parc installé correspondant à plus de 400 MWc(1). Et des technologies nouvelles, actuellement développées dans les laboratoires de recherche, sont appelées à se substituer d'ici une dizaine d'années aux solutions actuelles (principalement basées sur le silicium polycristallin), trop coûteuses pour être déployées à l'échelle de la planète. Une technologie voisine de celle des Oled Depuis trois ou quatre ans, les recherches sur les matériaux et les méthodes de fabrication ont permis à plusieurs laboratoires de présenter des éléments très bon marché dotés de rendements de 5 % à 10 %, alors qu'ils stagnaient jusqu'à présent sous la barre de 1 %. D'ici 2010, la stabilité de ces cellules devrait s'avérer suffisante pour envisager un début de commercialisation de panneaux solaires bas coûts, de grandes tailles, souples et faciles à installer sur les toits. Trois voies principales sont explorées par les chercheurs : les cellules dites en “ couches minces ”, les cellules de Graetzel et les cellules plastiques en polymères organiques. Dans le premier cas, la solution consiste, par procédé d'évaporation ou de pulvérisation, à réduire l'épaisseur du matériau semi-conducteur à seulement quelques microns au lieu des 200 microns actuels pour les cellules en silicium cristallin. Après avoir choisi le silicium amorphe ou le tellurure de cadmium comme matériau semiconducteur, les chercheurs s'orientent maintenant vers le diséléniure de cuivre et d'indium (CuInSe2 ou CIS). EDF, notamment, développe des cellules “ couches minces ” en collaboration avec le CNRS et l'Ecole nationale supérieure de chimie de Paris (ENSCP)(2). L'objectif est de développer un produit industriel doté d'un rendement de 10 % pour un coût de fabrication de 0,5 à 1 euro le watt. Autre solution explorée, les cellules de Graetzel. Elles comportent des pigments chargés d'absorber l'énergie solaire en générant une charge positive et une charge négative, et un matériau utilisé pour transporter ces charges vers les électrodes. Ces cellules à structure nanocristalline présentent là aussi des rendements de l'ordre de 10 % et des coûts de production estimés à 0,6 euro par watt, mais montrent de sérieuses limitations en termes de stabilité des matériaux. Mais c'est sans doute dans le domaine des cellules plastiques que la recherche française est la plus avancée. Ces cellules fonctionnent sur le même principe que les cellules de Graetzel mais sont constituées de deux matériaux organiques : le pigment est dérivé du PPV (paraphénylène-vinylène) et le matériau transporteur de charges est le plus souvent en fullerène modifié. Deux approches sont étudiées, l'une basée sur des petites molécules organiques, l'autre sur des polymères. Elles se rapprochent de la technologie des écrans Oled et présentent les mêmes intérêts en termes de coûts de fabrication. La technologie polymère, notamment, permet d'envisager une production de cellules de grandes surfaces, en rouleau, par des méthodes de type jet d'encre ou sérigraphie. Aujourd'hui, ces recherches ne sont plus cantonnées aux laboratoires universitaires, mais intéressent également des industriels comme Siemens, TotalFinaElf, BP Solar, Toshiba ou Sharp, de plus en plus présents sur ce domaine. Ces efforts pourraient se concrétiser à une échéance voisine de 2010, grâce notamment aux progrès rapides enregistrés dans la stabilisation des semiconducteurs organiques. « L'énergie solaire pourrait alors décoller aussi vite que le réseau Internet ou les réseaux de téléphonie mobile à leur époque, prédit Jean-Michel Nunzi, responsable du laboratoire Cellules solaires photovoltaïques plastiques de l'université d'Angers. En effet, il suffirait de couvrir l'équivalent de 1 % de la surface du globe, soit à peu près la couverture des bâtiments d'habitation à l'échelle de la France, pour produire deux fois l'énergie consommée par la population humaine actuellement, en se basant sur un rendement d'exploitation de l'énergie solaire de 10 % », poursuit-il. (1) Le watt crête est une référence qui correspond à une puissance nominale délivrée par un générateur photovoltaïque dans les conditions optimales de fonctionnement (à midi et par temps clair) avec des panneaux recevant un rayonnement solaire perpendiculaire. (2) Laboratoire commun EDF R&D, CNRS et ENSCP “ Cellules solaires en couches minces ”, basé à Chatou (78). Les principaux laboratoires du CEA et du CNRS Nom du laboratoire Organisme Thème de recherche Ville Laboratoire Composants organiques fonctionnels CEA Polymères organiques, fullerènes Saclay Plate-forme Nouvelles technologies pour l'énergie CEA Stockage électrochimique, essais de systèmes complets Cadarache Laboratoire Cellules et composants CEA Technologies basées sur le silicium Grenoble Laboratoire de génie électrique de Paris CNRS Semiconducteurs en couches minces Gif-sur-Yvette Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes CNRS Nouvelles architectures de conversion de l'énergie photovoltaïque Toulouse Laboratoire de physique et applications des semi-conducteurs CNRS Cellules photovoltaïques à base de silicium massif Strasbourg Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg CNRS Polymères organiques, fullerènes Strasbourg Un réseau français pour le photovoltaïque organique En France, une dizaine de laboratoires travaillent sur le thème des cellules photovoltaïques organiques. Un réseau national a d'ailleurs été mis en place pour coordonner ces recherches et démontrer l'intérêt des filières organiques par rapport aux technologies silicium. Ce réseau, baptisé Cellules solaires photovoltaïques plastiques (CSPVP), s'est donné pour objectif de démontrer la faisabilité d'ici fin 2005 de cellules d'une efficacité solaire de 5 % pour une durée de vie de plus de 5 000 heures. Les coûts de production ne doivent pas dépasser, à terme, la limite de 1 euro par watt. Piloté par le LCOF, Laboratoire composants organiques fonctionnels du CEA dirigé par Gilles Vériot, ce réseau est cofinancé par l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), le CEA, le CNRS et TotalFinaElf. Les recherches françaises sont principalement concentrées sur la filière polymères et dans une moindre mesure sur la filière petites molécules. Le réseau CSPVP a d'ailleurs conclu un partenariat avec l'université de Linz en Autriche, pionnière de la technologie polymère. « Nous nous positionnons pour participer à des projets européens dans le cadre du 6e PCRD», révèle de plus Gilles Vériot. Les chiffres du photovoltaïque Depuis quelques années, le solaire a le vent en poupe. Ainsi, en 2002, la production mondiale de panneaux solaires a atteint un total de 560 MW, représentant une croissance de près de 40 % par rapport à 2001. Les principaux acteurs sont de grands groupes industriels pétroliers ou de l'électronique : Sharp, BP Solar, Kyocera, Siemens (en partenariat avec Shell), Sanyo ou Mitsubishi un Français, Photowatt, est au dixième rang mondial. Les panneaux sont constitués d'un assemblage de cellules de tranches de silicium montées en série, délivrant des puissances comprises entre 10 Wc et 75 Wc (watt crête), en fonction de la technologie employée. Dans les conditions maximales d'ensoleillement, le soleil fournit 1 kW/m2 au niveau du sol. Le rendement de conversion des cellules commercialisées atteint actuellement 15 % à 18 % pour le silicium monocristallin, environ 15 % pour le silicium polycristallin, et 6 % à 7 % pour le silicium amorphe. Des rendements de 36 % ont été obtenus en laboratoire pour des cellules en arséniure de gallium. Les cellules en silicium polycristallin représentent 56 % du marché, suivies par le silicium monocristallin (28 %) et, enfin, le silicium amorphe (11 %).

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