Couverture ElectroniqueS n°127

Alors que le socle des spécifications techniques de la technologie NFC est désormais solide, de vives discussions portent à l'heure actuelle sur la définition de l'interface de contrôle des circuits compatibles au sein d'un téléphone mobile. Deux projets sont en lice et les enjeux sont énormes. Sortie des cartons de NXP Semiconductors (ex-Philips Semiconductors) et de Sony en septembre 2002, mais déjà dans l'air du temps avec les annonces faites dès 1999 par Inside Contactless d'une solution « reader-to-reader », la technologie NFC (Near field communication) a depuis tracé sa route avec succès.La consécration de l'Iso, de l'Ecma et de l'Etsi (1), puis celle d'un forum dédié qui compte à ce jour plus de 130 membres, et parmi lesquels on compte quelques grands noms de l'industrie (Microsoft, HP, Nokia, MasterCard, etc.), a en quelques années élargi son audience. Et surtout a contribué à la diffusion de ses possibilités, c'est-à-dire à modifier en profondeur les usages en matière de paiement, de transport, de loisirs et de communication grâce à la mise en pratique d'un nouveau paradigme qui fait du toucher sans contact dans le monde réel l'équivalent du clic de souris dans le monde virtuel. La rencontre avec l'industrie du mobile qui s'apprête, avec NFC, à réitérer l'histoire de Bluetooth à beaucoup plus grande échelle (2) a décuplé les espoirs. Reste aujourd'hui à transformer ces attentes en applications concrètes, car tout est prêt ou presque : une offre en circuits, logiciels et outils de développements d'un côté (encadré), des spécifications matures de l'autre. Mais il reste cependant à stabiliser les dernières briques de l'édifice qui font encore débat, et sont âprement discutées en ce moment à l'Etsi et au sein du NFC Forum en raison de l'importance des enjeux.NFC et le téléphone : un écosystème complexePourtant, malgré leur large couverture, toutes ces spécifications ne constituent pas encore un socle suffisant pour servir de plate-forme à des implémentations dans des équipements. En effet, un grand nombre de pilotes utilisant principalement des téléphones mobiles équipés de puces NFC pour des applications de paiement ou de tickets de transport, ont été lancés sur le marché depuis trois ou quatre ans et bien peu se sont concrétisés par des déploiements commerciaux. La raison tient à la complexité des écosystèmes dont NFC suscite l'émergence, et principalement au nombre d'acteurs mobilisés pour y trouver leur place. Car, de manière naturelle, l'importance prise par le téléphone mobile comme vecteur privilégié de la technologie NFC et la difficulté, dans ce domaine, à mettre d'accord les opérateurs de téléphonie mobile font que les banquiers et les opérateurs de transport, mais aussi les fabricants de téléphone, les fournisseurs de cartes SIM et les futurs fournisseurs de services et d'applications réclament aujourd'hui la définition d'un nouveau corps de spécifications, dépassant cette fois-ci le cadre ou le périmètre du NFC Forum puisqu'elles concernent naturellement l'architecture du mobile lui-même.Ainsi, l'Etsi, qui vient d'adopter officiellement comme standard le SWP (Single wire protocol ; référencé désormais TS 102 613) pour l'interface physique et la couche données entre le front-end NFC et la carte SIM du téléphone, s'est attelé depuis cette année à un autre chantier : celui de la spécification d'un HCI (Host controller interface), qui permettrait de définir comment le circuit NFC embarqué pourrait jouer son rôle de modem et de routeur de données de services entre tous les hôtes, comme un processeur d'application, une carte SIM, un élément ou module sécurisé, une carte flash, etc., activement présents dans le mobile (figure). En d'autres termes, comment les ressources de communication NFC devront-elles être partagées au niveau logique, via des jeux de commandes, par de futures applications quels que soient leurs modes divers (lecteur, carte ou « peer-to-peer »), et les différents endroits où elles seront présentes dans le téléphone.C'est le c&oelig;ur des débats qui ont lieu actuellement au sein du SCP (SmartCard platform) de l'Etsi, qui met la dernière touche à ses spécifications HCI. Au moment même où, curieusement, après sa décision prise en août dernier, le NFC Forum débute à peine des travaux sur le même sujet, puisque lui aussi veut « son » HCI. Le risque est donc grand de voir deux spécifications différentes de HCI cohabiter au sein du même contrôleur NFC, donc grever son coût en capacité mémoire et retarder encore la finition de l'édifice qui permettrait d'asseoir l'implémentation de solutions pérennes et interopérables, de modèles de coopération entre différents opérateurs de l'éco-système NFC-téléphone portable et le développement d'applications universellement portables dans le mobile.En réalité derrière cette double initiative, deux partis s'affrontent à la fois à l'Etsi et au NFC Forum. D'un côté, on trouve Nokia, Microsoft, NXP Semiconductors, Sony et MasterCard et de l'autre, Gemalto, Inside Technologies et concernant le secteur de la téléphonie mobile, tous les principaux opérateurs ainsi que de nombreux grands fabricants (LG, Samsung…).Les premiers souhaitent, au sein de l'Etsi, limiter la spécification du HCI aux couches protocolaires du standard SWP qui forme le lien NFC-SIM et, dans le cadre du NFC Forum, à définir un autre HCI, strictement dédié celui-là aux liens qui font communiquer le front-end NFC, le processeur d'application et les autres éléments à l'exception de la SIM. C'est-à-dire des « hosts » qui communiquent via des liens physique du type I2C, SPI ou parallèle.Les seconds, à l'inverse, souhaitent définir un HCI susceptible de prendre en compte tous les hôtes possibles embarqués dans le mobile avec une approche « host-to-host », en faisant du font-end NFC un véritable routeur de données et de la carte SIM un élément à part entière, partie prenante comme les autres du même écosystème NFC. On le voit, la première solution répond aux visées de fournisseurs de services, comme certaines banques ou même des fabricants de téléphones tentés par la fourniture de services (web, musique, vidéo, etc.) sur le modèle de sociétés comme Apple ou Nokia (et peut-être bientôt Google), qui voudraient se rendre indépendants des opérateurs historiques en créant un verrou au niveau de l'architecture du mobile. La seconde solution ne donne au contraire la main qu'à ceux qui le veulent, puisque la logique « host-to-host » via un HCI unique permet précisément à chaque partie de contrôler son environnement, et d'en régler l'usage par des accords commerciaux préalables qui peuvent être traduits par des commandes HCI : ouverture de ports (gates) et création de liens (pipes).Le débat n'est pourtant pas non plus exempt de considérations purement techniques. En effet, le besoin de disposer d'un mode de communication (mode carte) qui puisse fonctionner comme une véritable carte sans contact, c'est-à-dire par induction, en mode passif – et c'est un type d'application crucial pour les opérateurs de transport –, n'est pas compatible avec une architecture dans laquelle le processeur d'application joue le rôle de routeur de données, puisque si la batterie du téléphone est complètement déchargée, ce processeur est muet. La transaction n'est plus possible et peut alors s'apparenter à un déni de service. Se pose également, dans les applications de transport, la question du temps de transaction que les opérateurs souhaitent autour d'une centaine de milli-secondes, ainsi que celle du contrôle de l'utilisateur via l'afficheur du téléphone qui réclame d'optimiser les liens chargés de supporter la transaction ; ce qui n'est pas le cas si l'application logée dans un autre circuit que le processeur d'applications (secure élément soudé, carte flash) doit être « réveillée » par le processeur d'application (deux n&oelig;uds de réseau), alors qu'elle pourrait être lancée directement depuis le front-end NFC. La topologie (point-à-point dans un cas ou en étoile dans l'autre) de l'architecture HCI est donc importante. Indéniablement la proposition d'un HCI multi-hôte offre plusieurs avantages : tout d'abord, elle existe ; ensuite elle est indépendante des couches basses des liens utilisés (Uart, SWP, I2C, SPI, etc.) ; enfin elle est ouverte et évolutive, puisqu'il est toujours possible de rajouter un nouveau type d'hôte sans avoir à changer l'architecture globale. Ces nouveaux « hosts » pourraient alors concerner des domaines ou des services comme la gestion de l'énergie, celle des équipements et de leur mise à jour. A terme cette architecture serait même susceptible de trouver son domaine d'application bien au-delà des téléphones mobiles, c'est-à-dire dans tous les types d'équipements dotés d'une fonction, appareils grand public, ordinateurs portables, assistants électroniques personnels, etc.(1) Iso : International standard organisation ; Ecma : European computer manufacturers association ; Etsi : European telecommunications standards institute.(2) Selon une étude 2007 d'ABI Research, il y aura environ 300 millions de téléphones dotés de la technologie NFC en 2012.Circuits et intergiciels : l'offre est làNXP Semiconductors, Inside Technologies et, dans une moindre mesure, la société anglaise Innovision sont à ce jour les trois sociétés qui disposent d'une offre de circuits NFC (ou blocs IP), de logiciels et d'outils de développement (middlewares, kit d'évaluation, etc.). NXP et Inside font également partie des trois sociétés (avec France Telecom) dont les brevets NFC ont été déclarés essentiels, et qui sont désormais gérés dans un pool commun par la société Via Licensing.NXP propose deux familles de circuits, référencés PN51x et PN53x, et un circuit PN544 qui devrait être lancé d'ici la fin de l'année. Les PN51x sont des front-ends RF NFC conçus pour travailler avec un processeur externe (le processeur d'application) au travers de différents types d'interfaces possibles (8 bits parallèle, SPI, Serial Uart, ou I2C), et qui disposent d'une interface S2C (deux fils) pour communiquer avec un « élément sécurisé » soudé de type SmartMX (PN64x). La famille PN53x utilise le même front-end RF, les mêmes interfaces mais les associe à un microcontrôleur de communication. Le PN544 reprend l'architecture du PN53x, mais dispose d'une interface standard SWP (Single wire protocol) pour communiquer avec la carte SIM et une première implémentation du HCI de l'Etsi. Ces derniers circuits sont également pleinement compatibles Mifare, c'est-à-dire au niveau de la cryptographie employée et pas seulement au niveau RF comme le précisent les standards NFC.NXP livre avec ses circuits un middleware baptisé NFC FRI (Full reference implementation), qui s'installe dans l'équipement hôte pour mettre en forme les données de transactions sans contact en fonction des applications (paiement, transfert de fichiers, etc.), et des outils de développement pour les applications.Inside Technologies propose de son côté deux types de circuits. Le PicoRead est un simple front-end RF NFC (fonction reader-to-reader, émulation carte) qui dispose d'une interface SPI vers un microcontrôleur PicoRead Risc, mais qui peut aussi se connecter au processeur d'un équipement hôte, typiquement un terminal de paiement, via SPI ou une interface parallèle.Il est livré avec des références d'implémentation pour le placement des antennes et une librairie certifiée PayPass (PayPass Pack), qui permet de faciliter le développement du standard des applications de paiement sans contact. Le second circuit, le MicroRead, premier circuit NFC-SWP du marché, utilise le front-end PicoRead, et le c&oelig;ur du MicroPass, un microcontrôleur 16 bits qu'Inside a spécialement développé (en termes de performances, consommation, et couches protocolaires) pour les applications sans contact.Il dispose également d'une interface Iso 7816 pour une SIM classique. Inside livre son MicroRead avec un middleware (MicroRead software foundation), qui intègre des librairies HCI (dernières spécifications de l'Etsi). La firme française s'apprête également à lancer sous la marque « Wave Me » une offre de tags prêts à l'emploi (avec des librairies d'actions et de scripts comme envoyer un SMS à tel numéro, ouvrir telle page web, etc) associés à un téléphone NFC. Afin de disposer de la compatibilité Mifare au-delà du niveau RF, Inside a conclu un accord avec Infineon qui est l'une des trois sociétés à disposer de cette licence avec NXP et Renesas. Cet accord va lui permettre d'utiliser des puces Mifare « stackées » sur son circuit MicroRead (la puce Mifare voit le circuit NFC comme une simple antenne). Inside pourrait annoncer dans les mois qui viennent des accords de licences pour sa technologie NFC. La société négocie déjà sous NDA (Non disclosure agreement) des blocs IP pour intégration dans des futurs équipements NFC.C'est ce que fait également la société anglaise Innovision Research qui développe des circuits NFC à la demande, et dispose d'une offre de blocs IP NFC et de tags de type 1 comme le circuit Topaz qui offre en lecture-écriture une mémoire de 96 octets.Enfin, signalons que, pour les cartes SIM, l'offre en circuits SWP va se développer. Ainsi, par exemple, Atmel devrait très prochainement annoncer le premier circuit de ce type (l'AT91SC464384RCU). NXP Semiconductors, de son côté, a prévu dès le second semestre 2008 de livrer à Gemalto des circuits pour cartes SIM qui disposeront des fonctionnalités Mifare (principalement l'encryption secrète) et de l'interface SWP.

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