Cela faisait quelques temps que l’éventualité d’un rachat d’Ansys flottait dans l’air, avec des rumeurs portant tour à tour sur des approches de Cadence, Siemens et Synopsys. C’est ce dernier qui semble avoir remporté la timbale, pour un montant de 35 milliards de dollars. Une somme rondelette par rapport à un chiffre d’affaires annuel qui avoisine les deux milliards, mais que les analystes financiers estiment justifiée au regard de la bonne santé financière d’Ansys.
Un rachat certes, mais pour quoi faire au juste ? Ansys a des activités dans les semi-conducteurs, mais son expertise se situe surtout ailleurs, dans la simulation et l’analyse de systèmes physiques. Plusieurs éléments ont sans doute motivé Synopsys. Tout d’abord, les circuits intégrés les plus complexes se présentent de plus en plus sous la forme de boîtiers multipuces, qui multiplient les chiplets assemblés en 2,5D ou 3D et requièrent donc de nouveaux outils de conception et d’analyse davantage orientés système.
Symétriquement, après des décennies d’éloignement tectonique entre les fournisseurs de systèmes électroniques finis et les fabricants de puces, les deux univers tendent aujourd’hui à se rapprocher à nouveau : les Gafam, par exemple, conçoivent désormais leurs propres circuits. Envers ces clients, la double maîtrise de la CAO microélectronique et de la simulation système peut constituer un atout décisif.
Enfin, Synopsys s’avère être une efficace planche à billets : l’Américain a ainsi généré 1,23 milliard de dollars de bénéfice l’an passé, soit pas moins de 21% de son chiffre d’affaires. Racheter Ansys, partenaire de Synopsys de longue date, n’est pas la pire utilisation à faire de cet argent et du crédit bancaire qu’il suscite, dans un secteur de la CAO qui se resserre encore un peu plus à cette occasion.
Dernier avantage : cette fusion américano-américaine ne manquera pas de rassurer les responsables politiques férus de conserver la prédominance des Etats-Unis sur la CAO électronique mondiale. Avec les équipements de lithographie de pointe, il s’agit en effet de la principal technologie manquant à la Chine pour devenir une concurrente à l’état de l’art de la microélectronique.