Couverture ElectroniqueS n°127

L’été aura été marqué par plusieurs annonces d’installations d’usines de panneaux solaires, venant confirmer que la France prend le virage du photovoltaïque. D’ici à trois ans, 14 000 personnes devraient travailler dans ce secteur. Encouragé par les pouvoirs publics, le développement de la filière photovoltaïque française a fait un bond en avant cet été avec l’annonce de l’installation de plusieurs usines de production de panneaux solaires. Tous ces projets constituent un pari pour l’avenir. Révélée par L’écho du Solaire début juillet, l’implantation de la société ukrainienne Kvazar, spécialisée dans la fabrication de panneaux et systèmes photovoltaïques, devrait bientôt intervenir avec l’aide « d’industriels français » sur l’ancien site de Philips à Dreux. Selon l’hebdomadaire en ligne, Kvazar détiendra « une part du capital minoritaire, mais supérieure à 45 % » dans cette nouvelle société qui vise une capacité de production mensuelle de 4 000 modules de 240 kWc, soit nettement plus de 10 MWc par an, avec un démarrage prévu au second semestre 2010. L’investissement total pourrait atteindre 15 millions d’euros. Seconde annonce de taille, officialisée également en juillet en présence du ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, la création d’une usine de fabrication de panneaux solaires par EDF Energies Nouvelles et l’américain First Solar devrait permettre de produire 100 MWc de modules photovoltaïques par an à partir du second semestre 2011 et employer plus de 300 personnes. Les deux partenaires, qui présentent leur projet comme étant « la plus grande usine de fabrication de panneaux solaires » jamais construite en France, précisent qu’ils prévoient de recourir à la technologie photovoltaïque couche mince de First Solar. Cette usine, dont le lieu d’implantation sera connu au cours des prochains mois, devrait représenter un investissement de plus de 90 millions d’euros. EDF Energies Nouvelles, qui a levé l’an passé 500 millions d’euros pour financer son expansion dans le secteur photovoltaïque, prendra en charge la moitié des dépenses d’investissement et des coûts de démarrage de l’usine et bénéficiera, pour son propre approvisionnement, de la totalité de la production du site pendant les dix premières années. Le groupe français s’est donné pour objectif d’installer 500 MWc de capacité photovoltaïque pour son compte propre d’ici à 2012. « Sécuriser un approvisionnement compétitif est indispensable pour prendre part au développement d’un grand marché français du solaire », a souligné Pâris Mouratoglou, président du conseil d’administration d’EDF Energies Nouvelles. L’un des projets nécessite 170 M€ d’investissements Quelques jours seulement après l’annonce de ce projet franco-américain, une troisième usine française de panneaux solaires de grande envergure était révélée. Baptisée Empowersun, elle devrait sortir de terre d’ici à 18 mois, à Vitry-le-François, avec à la clé 900 emplois la première année et 3 000 au bout de trois ans, souhaitant, elle aussi, devenir le plus grand site français de production de panneaux solaires avec une capacité de 1 GWc par an. Son ambition est même de devenir « le leader mondial de la production de panneaux solaires photovoltaïques polycristallins ». Cette usine intégrée devrait réunir toutes les étapes de production, à partir du silicium acheté jusqu’aux panneaux solaires photovoltaïques. L’usine Empowersun devrait recruter 650 personnes au départ pour une production de 100 MW dans un premier temps. Une montée en régime est attendue dans les quatre années qui suivent avec une puissance sortie de l’usine de 800 MW et plus de 3 000 salariés. Reste que ce projet nécessite 170 millions d’euros d’investissement et qu’il ne pourra voir le jour que s’il parvient à séduire les investisseurs, alors que les entreprises du solaire photovoltaïque cristallin vivent des moments difficiles en Allemagne. Pour l’heure, le projet a le soutien de la Communauté de communes, du conseil général de la Marne et celui du conseil régional Champagne-Ardenne. Les trois collectivités territoriales se sont engagées à participer au financement de la deuxième phase de l’implantation, celle qui consiste à accompagner le porteur du projet dans la conception de l’usine et dans la levée des fonds, soit 70 millions d’euros. Et pour le reste du financement, le cabinet de Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en place du plan de relance, serait à pied d’œuvre pour assurer la viabilité du projet. Quoi qu’il en soit, et même si sur ce marché en émergence, tous les projets ne sont pas assurés de se concrétiser de manière favorable – comme en témoigne la liquidation de Silpro (voir encadré) – ces annonces montrent indéniablement qu’il existe un certain dynamisme du secteur en France à un niveau que nous ne connaissions pas jusqu’à ces dernières années, à l’instar de ce qui a été fait en Allemagne depuis plus de quinze ans. Reconversion d’une usine de circuits imprimés en Bretagne Autre projet : celui du groupe breton Sofie qui a récemment reconverti l’un de ses sites de fabrication de circuits imprimés en usine de panneaux solaires photovoltaïques en créant la société Sillia Energie. Une reconversion qui a permis de sauvegarder la majeure partie des emplois du site de production électronique. L’usine de 5 000 m2 accueille désormais une ligne de production automatisée capable de produire plus de 300 panneaux par jour soit 20 MW par an. Pour cette reconversion, le groupe Sofie a investi plus de 8 millions d’euros et la plupart des emplois de l’ancienne activité ont été conservés. Aujourd’hui 65 personnes soit 90 % de l’effectif précédent font tourner l’usine. « Alors que pendant longtemps, dans un marché intérieur marginal, les entreprises installées en France, comme Photowatt, Tenesol ou encore Apex BP Solar, ont maintenu leur activité essentiellement grâce à l’exportation, la mise en place du nouveau tarif d’achat en 2006 et les mesures de soutien à long terme de la filière, permettent aujourd’hui l’éclosion d’une véritable industrie française », se réjouit le syndicat des énergies renouvelables (ENR). D’une dizaine de sites de production sur toute la chaîne de valeur en 2004, la filière en compte aujourd’hui près de 70. Un récent rapport parlementaire du député Serge Poignant (sur lequel nous reviendrons), présenté devant la Commission des affaires économiques, met d’ailleurs l’accent sur la pertinence du développement d’une filière photovoltaïque française. « Depuis 2006, la filière a généré 2 200 emplois directs. Elle employait, fin 2008, plus de 4 000 personnes et créera au moins 2 000 emplois cette année. D’ici à trois ans, 14 000 personnes travailleront dans le secteur », estime l’ENR. La croissance de la production suit la demande intérieure : ainsi, d’une production intérieure de 55 MW en 2008 pour un marché de 105 MW, les projections pour 2011 estiment à 350, voire 400 MW, la production intérieure pour un marché de près de 650 MW. Le Grenelle de l’environnement a fixé, dans sa feuille de route, un ob-jectif de 5 400 MW photovoltaïques en 2020. Cependant, compte tenu du développement actuel de la filière française, SER-Soler, la branche photovoltaïque du syndicat des énergies renouvelables, estime que la puissance du parc pourrait largement dépasser cet objectif. Les demandes de raccordement ont doublé au premier semestre Le nombre de demandes de raccordement de panneaux solaires photovoltaïques au réseau électrique, en forte hausse depuis deux ans, a presque doublé depuis un an, vient d’indiquer Electricité réseau distribution de France (ERDF). ERDF a reçu durant les six premiers mois de l’année 22 826 demandes de “ producteurs ”, essentiellement des particuliers voulant raccorder leur installation solaire au réseau électrique. A titre de comparaison, la filiale d’EDF avait reçu 12 056 demandes durant les six premiers mois de 2008, et 25 000 pour l’ensemble de l’année. L’augmentation du nombre de raccordements au réseau électrique a provoqué un engorgement des services d’ERDF, engendrant de longs délais de traitement. Dans son rapport annuel 2008, ERDF jugeait le délai de raccordement trop élevé, indiquant qu’il pouvait atteindre huit mois. Il est retombé à cinq mois en moyenne au premier trimestre 2009 et l’objectif est de ramener ce délai en dessous de quatre mois d’ici à la fin de l’année. La filière photovoltaïque reste encore fragile Fortement consommatrice de capitaux, la filière photovoltaïque ne rencontre pas toujours le succès escompté. Ainsi, si l’été a été fertile en annonces de nouvelles capacités de production de panneaux solaires, il aura aussi vu la mise en liquidation judiciaire de Silicium de Provence (Silpro), prononcée par le tribunal de commerce de Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, avant même que cette société n’ait réellement pu démarrer ses activités. La première pierre du site Silpro, à Château-Arnoux-Saint-Auban, avait été posée en septembre 2007 avec un calendrier ambitieux, la production devant démarrer en 2008, puis être optimale en 2009. Mais faute de trouver les financements nécessaires, aucune cellule photovoltaïque n’est jamais sortie de l’usine. D’autres signes de faiblesses affectent le secteur. Ainsi, selon le cabinet iSuppli, la filière solaire photovoltaïque est confrontée à une surproduction massive. La moitié des panneaux solaires photovoltaïques fabriqués cette année dans le monde ne sera pas vendue, affirme-t-il. Le cabinet observe un effondrement de la demande due à une décision de l’Espagne de réviser sa politique de tarifs d’achat d’électricité photovoltaïque. Ce pays a représenté en 2008, 50 % du marché de l’installation, un marché exponentiel ces dernières années et qui a justifié le développement rapide des capacités de production de la filière. Selon iSuppli, la production totale de panneaux solaires en 2009 représentera 7,5 GW contre 6,5 GW en 2008. Cependant, seuls 3,9 GW seront installés. Le cabinet estime que cette surproduction durera jusqu’en 2012 avant d’être absorbée. Du silicium aux panneaux solaires Production de cellules photovoltaïques à haut rendement. Plaques de silicium pour le photovoltaïque.

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