Les autorités de régulation prennent le temps d’examiner consciencieusement la proposition de rachat de VMware par Broadcom. Elles craignent que ce dernier ne profite de l’opération pour limiter l’accès de ses concurrents aux logiciels de VMware, qui sont devenus des standards de facto dans l’industrie des réseaux. Cela n’est pas sans rappeler les réserves qui ont empêché tout rachat d’Arm, lequel se positionne lui aussi (mais côté hardware) comme un fournisseur “neutre” devenu indispensable à la plupart des acteurs de son domaine.
Certaines sociétés, en quelque sorte victimes de leur succès, deviendraient donc irrachetables tant les répercussions concurrentielles semblent dangereuses pour l’innovation de leur secteur. Cela démontre une fois de plus que la « concurrence libre et non faussée » ne découle pas de l’économie de marché mais doit au contraire lui être imposée de force par des autorités situées au-dessus des marchés. Les sociétés privées ont en effet naturellement l’ambition de croître jusqu’à éliminer toute concurrence. Pourquoi donc Broadcom aurait-il envie d’investir plus de 60 milliards de dollars dans VMware, si ce n’est pour en tirer un avantage sur ses compétiteurs ?
Broadcom/Avago paie aussi, sans doute, la façon dont il a bâti sa folle croissance. L’Américain a, à de multiples reprises, racheté des sociétés leaders de leur domaine pour en essorer les ressources (augmentation des prix, réduction des effectifs et de la R&D) afin d’augmenter son cash flow en vue du prochain rachat. Après avoir échoué à mettre la main sur Qualcomm, Broadcom s’est concentré sur les spécialistes des solutions logicielles pour réseaux – à tel point que l’on ne sait plus trop si l’Américain est aujourd’hui un fournisseur de puces, un éditeur de logiciel… ou juste une très efficace machine à bénéfices. Nul doute que si le deal avec VMware venait à capoter, d’autres cibles se retrouveraient rapidement dans son viseur.