Il sera intéressant de suivre le procès initié par Arm contre Qualcomm, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, Arm et Qualcomm demeurent des partenaires interdépendants : le premier réalise une partie non négligeable de son chiffre d’affaires grâce aux royalties sur les processeurs Snapdragon, le second dépend des coeurs mis au point par l’Anglais pour ses circuits. Maintenir cette relation privilégiée sur fond de procès ne sera pas évident. Rappelons qu’après le veto opposé au rachat d’Arm par Nvidia, Qualcomm avait suggéré de mener un rachat « collectif » d’Arm réunissant ses principaux clients afin de maintenir sa neutralité et son indépendance technologique.
Ensuite, il est question de défense de la propriété intellectuelle. Située au cœur de la stratégie commerciale d’Arm, cette question est aussi parfaitement maîtrisée par Qualcomm qui n’a jamais hésité à attaquer en justice pour défendre son portefeuille de brevets. En rachetant Nuvia et son savoir-faire en coeurs Arm personnalisés, Qualcomm devait-il renégocier les arrangements financiers passés à l’origine entre Nuvia et Arm ? Arm estime que Qualcomm veut profiter de la licence architecturale qui permettait à Nuvia de créer ses propres coeurs Arm ; Qualcomm rétorque qu’il dispose lui aussi d’une licence architecturale sur les coeurs Arm, même s’il ne s’en servait plus depuis des années et n’utilisait plus que des Cortex prêts à l’emploi. La réponse intéresse bon nombre de spécialistes de l’IP.
Enfin, Qualcomm pourra-t-il bénéficier de l’expertise de Nuvia (qu’il a quand même payé 1,4 milliard de dollars) sur laquelle repose une partie de son avenir, et si oui, quand ? Il est permis de penser que Qualcomm et Arm finiront par trouver un accord à l’amiable, et règleront leur différent en échange d’un gros chèque. Mais ces procédures judiciaires peuvent être longues, et Qualcomm est pressé. Car, fort de l’exemple d’Apple dont les puces M1 à jeu d’instructions Arm rivalisent favorablement avec les processeurs x86 d’Intel et AMD, l’Américain espère bien réussir à percer enfin sur le marché des processeurs PC pour compenser l’essoufflement des ventes de smartphones.