66 millions d’euros, c’est donc ce que pourrait toucher Carlos Tavares pour son travail à la tête de Stellantis durant l’exercice 2021. Ces 66 millions d’euros n’ont pas manqué de choquer jusqu’aux actionnaires, qui ont majoritairement voté contre. Le montage financier fait la part belle aux actions et bonus, moins soumis à l’impôt que le salaire fixe qui ne s’élève “qu’à” deux millions d’euros. Le veto des actionnaires n’est que symbolique et sera sans doute ignoré par la direction si la pression médiatique retombe – ce qui n’est pas sans poser un problème quasi-existentiel pour les tenants d’un capitalisme au service de l’actionnariat.
La question s’est vite déplacée sur le terrain de la moralité. Les indignations sont logiques de la part des syndicats, qui représentent des salariés à qui beaucoup d’efforts ont été demandés (adaptation à la pandémie, restructurations internes, virage de l’électrification). Elles sont plus étonnantes de la part de responsables politiques qui n’ont jamais œuvré ni pour une limitation des rémunérations, ni pour une imposition plus élevée et efficace des très hauts salaires.
Difficile de situer un seuil à partir duquel un salaire s’avère “choquant” ; dans un pays où le salaire médian ne dépasse guère 1800 €, il ne serait pas illégitime d’être choqué bien en-deçà des millions qui font les gros titres. Du moins peut-on se rappeler l’adage d’Henry Ford qui, malgré une sensibilité politique plus proche du fascisme que de marxisme-léninisme, avait au moins la lucidité de comprendre que pour que la machine industrielle fonctionne, il devait suffisamment payer ses salariés pour qu’ils puissent acheter les voitures qu’ils fabriquaient. Stellantis a proposé cette année une hausse de salaire de 2,8% à ses ouvriers. Selon AutoScout24, le prix de vente moyen des voitures d’occasion a augmenté de 13% l’an passé. Les bénéfices annuels de Stellantis ont, eux, bondi de 180%.