La Federal Trade Commission (FTC) américaine a décidé de saisir la justice afin de bloquer le rachat d’Arm par Nvidia. Pour une fois, il ne s’agit pas de protectionnisme, puisque Nvidia est américain et Arm britannique – enfin, de culture britannique, car le principal fournisseur mondial de cœurs de processeurs appartient actuellement au groupe japonais Softbank. La FTC motive sa décision en brandissant la défense des consommateurs : ce rachat permettrait à Nvidia « d’étouffer la concurrence, et donc l’innovation, dans des technologies utilisées par exemple dans les centres de données, les infrastructures cloud et les véhicules à conduite assistée ». Les autorités britanniques et européennes examinent attentivement, elles aussi, ce deal avec la crainte de voir Arm, fournisseur “neutre” de toute l’industrie des semi-conducteurs, phagocyté par un seul fabricant.
On pourrait objecter que ce souci de la neutralité et de l’accès le plus large possible aux cœurs Arm n’habitait guère les autorités américaines quand elles ont décidé d’en priver Huawei afin de briser l’ascension du Chinois. On pourrait aussi remarquer que les anciens concurrents d’Arm, qui se trouve désormais en position de quasi-monopole dans l’embarqué, n’ont jamais été protégés de la sorte pour préserver la sacro-sainte concurrence. Mais l’essentiel est ailleurs : Nvidia n’est pas parvenu à prouver sa bonne foi pour justifier une acquisition qui bouleverserait l’industrie de la microélectronique. N’importe qui (hors de Chine) peut acquérir la licence d’utilisation des cœurs Arm et les copier-coller dans ses circuits ; n’importe qui, en mettant un peu plus d’argent, peut mettre la main sur une licence architecturale permettant de modifier et d’optimiser la structure interne de ces cœurs (Apple, Qualcomm, Samsung ou encore Marvell le font couramment). Investir 40 milliards de dollars sur Arm ne peut guère se justifier que par la volonté de se réserver certains de ses développements et de contrôler ce qui est fourni à la concurrence ; bon courage à Nvidia pour convaincre les autorités internationales du contraire.