L'Europe considère que l'aéronautique reste stratégique et lui consacre une part importante de son budget deR&D. Parmi les thèmes prioritaires, figurent en premier lieu la sécurité, un plus grand respect de l'environnement et le développement de l'avion «plus électrique» qui permettra une diminution de la consommation de carburant.
A lors que le succès du secteur aéronautique ne se dément pas en Europe avec de très bons résultats et des perspectives d'embauches pour des groupes tels qu'Airbus, Safran, Dassault Aviation et Thales, ce sont les pays émergents, et notamment l'Asie, qui tirent la croissance des grands acteurs du transport aérien. De grandes compagnies aériennes européennes ont en effet subi de graves difficultés au cours des derniers mois. Aussi, pour assurer leur compétitivité à long terme, les avionneurs et leurs équipementiers devront tenir compte de ce déplacement des marchés. Selon la Commission européenne, la moitié du trafic mondial supplémentaire sera, au cours des 20 prochaines années, à destination ou en provenance de la région Asie-Pacifique qui deviendra, avec une part de marché de 38%, le leader mondial du trafic aérien d'ici à 2030. L'électronique européenne aura une carte à jouer en misant sur ses forces et son savoir-faire dans le domaine de l'électronique embarquée, de l'électronique de puissance et de la biotechnologie, souligne le cabinet Décision. Selon ce dernier, l'électronique représente 6 % du coût d'un avion civil du type A320 (soit 3,7 millions d'euros) et 10% d'un avion comme l'A380 (soit 20 millions d'euros), et la croissance annuelle moyenne de l'électronique dédiée à l'aéronautique serait supérieur à 6 % selon Décision.
Une rupture technologique
L'industrie aéronautique réfléchit à ce que sera l'avion du futur, pour mieux répondre, tant à la demande des passagers qu'à celle des prestataires de services en vol et au sol dans les aéroports. C'est un défi de grande importance, car l'avance technologique que l'Europe sera en mesure de garder aura un impact très significatif en termes d'emplois pour les générations à venir. Dans le cadre du 7 e programme-cadre de R&D de la Commission européenne d'une durée de 7 ans, qui s'achève l'an prochain, l'aéronautique est restée une priorité stratégique, suivant en cela l'avis de l'Acare ( Advisory Council for Aeronautics Research in Europe ), la plate-forme technologique européenne de recherche sur l'aéronautique. Les projets de recherche se sont focalisés sur les thèmes suivants : un transport aérien plus vert, une plus grande efficacité en termes de gestion du temps (notamment au sujet de la ponctualité des vols), de meilleures satisfactions et sécurité de la clientèle, une amélioration de la rentabilité, une protection des aéronefs et des passagers, enfin, les technologies à mettre en œuvre pour un transport aérien d'avenir.
le projet d'avion «plus électrique» vise à remplacer les vecteurs énergétiques que sont les fluides hydrauliques et l'air comprimé par le courant électrique et à obtenir, en conséquence, une diminution significative de la consommation en carburant.
Au cours des précédentes décennies, les économies de carburant étaient obtenues grâce aux progrès accomplis en matière d'aérodynamisme, de poids et de motorisation. Désormais, pour aller plus loin, il faudra créer une rupture technologique permettant d'obtenir un saut sur les performances environnementales des avions et du transport aérien dans sa globalité. Plusieurs grands projets européens, tel que l'Initiative technologique conjointe de l'Union européenne CleanSky, travaillent sur cet objectif. Dans ce cadre, Airbus et Saab codirigent un projet au titre du 7 e programme-cadre de R&D européen portant sur le démonstrateur ITD ( Integrated Technology Demonstrator ). L'objectif de ce projet est le développement de différents sous-systèmes permettant une réduction de la consommation de carburant et des émissions. Les objectifs de CleanSky sont étroitement liés à la « Vision 2020 » définie par Acare, à savoir réduire la consommation de carburant et les émissions de CO2 de 50 %, le bruit perçu à l'extérieur de 50% et les émissions de NOx (oxydes d'azote) de 80 % d'ici à 2020, par rapport aux niveaux de l'année 2000.
Alors que se rapproche l'échéance de 2020, Airbus et plusieurs partenaires industriels ont confirmé leur engagement à maintenir et accroître l'investissement dans la recherche et la technologie à l'échelle européenne. L'industrie prévoit la poursuite du programme CleanSky actuel dans le cadre du prochain programme européen de recherche qui couvrira la période 20142020, baptisé pour l'occasion «Horizon 2020 ». Le protocole d'accord sur le deuxième programme CleanSky, signé en septembre 2012, souligne cet engagement de l'industrie à accroître l'investissement en recherche. Il prévoit pour CleanSky 2 un investissement de 1,8 milliard d'euros lors du prochain programme-cadre «Horizon 2020». Ce dernier permettra à Airbus et à ses partenaires industriels d'assurer la maturité et l'intégration des technologies novatrices développées lors du septième programme-cadre.
Economiser l'énergie et réduire le bruit
Au-delà de 2020, Airbus est convaincu de la nécessité d'œuvrer vers des objectifs de R&D encore plus ambitieux, exposés dans le “Flightpath 2050” d'Acare. Cette vision à long terme considère les développements R&D futurs comme essentiels en vue de répondre aux besoins sociétaux et commerciaux liés à l'aviation, de maintenir le leadership industriel, et protéger l'environnement et les sources d'énergie.
Citons également, dans le cadre du 7 e PCRD, le projet Silence(R) visant à confiner les nuisances sonores causées par les avions dans les aéroports. Par ailleurs, partant du constat que l'intégration insuffisante des systèmes de contrôle du trafic aérien en Europe se traduit par de fréquents retards et annulations de vols, mais aussi par un risque accru d'accidents, deux projets ont pour objectif d'apporter des solutions à ce problème. Il s'agit d'Afas ( Aircraft in the Future Air Traffic Management System ) portant sur les réglementations, les règles de sécurité et les niveaux de service dans la gestion européenne du trafic aérien, et de MA-Afas ( More Autonomous Aircraft in the Future Air Traffic Management System ), qui explore l'idée d'un degré d'autonomie plus élevé pour les appareils et qui transférerait ainsi de la tour de contrôle aux avionseux-mêmescer-taines fonctions de contrôle de la navigation aérienne.
il est désormais permis d'envisager la substitution de circuits multimodaux actuels (mécaniques, hydrauliques et pneumatiques) par des circuits électriques gouvernant l'ensemble de fonctions de l'appareil, au sol comme en vol.
Source: SafranL'un des axes prioritaires de recherche des avionneurs et des équipementiers aéronautiques est en rapport avec les économies d'énergie. Il se prépare, en effet, avec « l'avion plus électrique », «une véritable révolution des systèmes énergétiques à bord des avions » à l'horizon 2020, selon les termes employés par l'équipementier français Safran. Elle implique de remplacer les systèmes hydrauliques et pneumatiques équipant les appareils actuels par des systèmes électriques, augmentant ainsi significativement la puissance requise des systèmes de génération et de distribution électriques. Les avantages de l'énergie électrique sont notamment une sécurité renforcée, un gain de poids et de volume, ainsi qu'une diminution de la consommation de carburant, associée à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'introduction des systèmes électriques réduira également les coûts d'assemblage et de maintenance des appareils et améliorera leur disponibilité. En effet, avec un unique vecteur d'énergie –électrique, en l'occurrence – on peut envisager une mutualisation et une meilleure répartition des différents systèmes. Par exemple, plusieurs applications jusqu'à présent totalement séparées pourraient à terme se partager une même électronique ou un même calculateur. Il résultera de cette rationalisation des gains de poids significatifs, synonymes pour l'opérateur de l'avion d'économies de carburant et/ou d'augmentation de la charge utile. De même, les perspectives ouvertes par les réseaux électriques « intelligents » rendent possible une optimisation globale de la consommation d'énergie, avec une allocation plus précise des ressources limitée au « juste besoin » et moins de déperdition.
Dans un avion court moyen courrier «plus électrique», la chaîne de l'énergie électrique embarquée représentera 8 à 10% de sa valeur. Selon les estimations de Safran, le marché mondial des systèmes électriques aéronautiques pourrait atteindre 4 à 5 milliards de dollars à long terme.
Ces projets mobilisent des investissements importants. Safran Power, filiale de l'équipementier aéronautique, a par exemple été créée au sein de la société Hispano-Suiza, spécialisée dans l'énergie électrique à bord de l'avion. La structure est dédiée à l'activité électronique de puissance. Avec les 130 ingénieurs et techniciens de sa nouvelle entité Safran Power, 250 millions d'euros investis dans les programmes de recherche et technologie SPEC et Amperes, et le banc d'essai structurant baptisé «Copper Bird», le groupe accélère la mise au point de solutions électriques couvrant l'ensemble des besoins en énergie d'un appareil (hors propulsion).
des moteurs électriques dans les roues pour le déplacement de l'avion au sol
Par ailleurs, pour renforcer son activité dans le secteur des systèmes électriques aéronautiques, Safran a annoncé en octobre dernier, l'acquisition de l'américain Goodrich Electric Power Systems (GEPS), un fournisseur aéronautique de premier rang de systèmes électriques embarqués, pour un montant de 310 millions d'euros.
l'airbus a380 a d'ores et déjà supprimé l'un des trois circuits hydrauliques traditionnels et adopté un actionneur électrique d'inverseur de poussée.
Tous les deux ans, se tient le symposium SPEC ( Safran Power Electronics Center ). En novembre 2011, il a réuni 230 participants et s'est tenu dans les locaux de l'école d'ingénieurs Insa de Lyon. A cette occasion, les participants ont pu faire un point sur un sujet vital pour la sécurité de l'avion : la protection contre la foudre. « Les avions des prochaines générations intégreront de plus en plus de matériaux composites, plus légers que les matériaux métalliques, mais moins protecteurs contre la foudre. De nombreux travaux sont donc menés pour éviter tout risque vis-à-vis des composants électriques et électroniques », a expliqué Régis Meu-ret, responsable du département Recherche de la division Safran Power d'Hispano-Suiza.
Autre exemple de sujet abordé lors du symposium: l'arrivée sur le marché de composants électroniques en carbure de silicium, plus performant que le silicium actuel. Au cours des prochaines années, l'actualité de l'avion plus électrique devrait être marquée par de nouvelles avancées comme l'introduction de moteurs électriques dans les roues pour permettre le déplacement de l'avion dans les phases de roulage au sol ( green taxiing ), ou encore, la poursuite des travaux sur les commandes de vol électriques. Ces thèmes seront sans doute explorés lors du prochain SPEC qui devrait se tenir fin 2013.
L'Airbus A380 a d'ores et déjà supprimé l'un des trois circuits hydrauliques traditionnels –remplacé par des circuits 100 % électriques dédiés à la redondance des commandes de vol– et adopté un actionneur électrique d'inverseur de poussée (une innovation signée Safran, avec un produit Hispano-Suiza conçu pour les nacelles Aircelle). En cours d'achèvement, le programme Boeing 787 suit la même tendance. S'il conserve des inverseurs de poussée traditionnels, des systèmes électriques sont en revanche introduits en remplacement du circuit pneumatique et au niveau des freins. Autre innovation Safran, ces premiers freins électriques civils sont conçus par Messier-Bugatti et actionnés par un calculateur Safran Power/Hispano-Suiza.
airbus consacre plus de 90% de son investissement en recherche à l'environnement
plus de 3000 employés airbus travaillent, directement ou indirectement, sur plus de 100 projets de recherche et technologie (r&t) majeurs. le défi principal consiste à concilier la croissance du trafic aérien et la réduction de l'impact global du transport aérien sur l'environnement, ainsi que la mise en œuvre de chaînes de valeur pour les carburants alternatifs. plus de 90% de l'investissement annuel en r&d d'airbus, qui s'élève à plus de 2 milliards d'euros, génèrent des bénéfices environnementaux pour les avions actuels et futurs. airbus dépose plus de 500 demandes de brevet chaque année. au cours des 40 prochaines années, la coopération et l'investissement en r&t seront encore plus importants, sachant que les sources d'énergie deviennent de plus en plus rares et coûteuses, alors que le carburant reste la composante majeure des coûts d'exploitation des compagnies aériennes (30% pour les monocouloirs/40% pour les long-courriers). en octobre 2011, airbus et air france ont réalisé ce qu'ils ont appelé le tout premier «vol parfait» en europe. ce vol toulouse-paris, utilisant un airbus a321, a permis de démontrer que le co2 émis a été divisé par deux comparé à un vol standard. airbus s'est engagé à réaliser les objectifs de l'industrie: parvenir à un bilan carbone neutre d'ici à 2020 tout en réduisant la consommation de carburant de 1,5% par an, et réduire de moitié les émissions de carbone d'ici à 2050 (par rapport à 2005). en particulier, la pile à combustible est considérée par airbus et eads comme une technologie prometteuse. elle pourrait permettre l'introduction d'un changement radical dans l'architecture des systèmes avion. le fonctionnement d'une pile à combustible à membrane d'échange de protons est très similaire à celui d'une batterie. elle convertit directement l'énergie chimique (l'hydrogène dans le cas de la pile à combustible) en énergie électrique. l'efficience de ce procédé n'est pas limitée par les contraintes thermodynamiques des moteurs à combustion et son rendement électrique est de deux à trois fois supérieur à celui des ensembles classiques moteur à combustion/générateur. en outre, et contrairement aux batteries standard, la pile à combustible n'a pas besoin d'être rechargée quand elle est vide, car les cellules sont continuellement alimentées en réactifs (hydrogène et oxygène de l'air), ce qui permet un fonctionnement en continu. les piles à combustible produisent de l'électricité de manière plus propre et plus efficiente que les moteurs à combustion. en outre, l'eau produite par ces piles peut être utilisée pour les circuits d'eau potable et sanitaire de l'appareil, ce qui permet de réduire la masse et donc la consommation de carburant. en s'appuyant sur les succès de la campagne d'essais menée en 2008 sur l'a320 et portant sur les installations de secours équipées de piles à combustible, airbus étudie le remplacement d'un générateur auxiliaire de bord (apu) par un système de piles à combustible multifonctions. dans ce cas, la pile à combustible agit comme une source de puissance autonome pouvant produire de l'énergie électrique pour tout l'appareil, y compris la cabine. ceci est particulièrement intéressant dans le cadre des recherches visant à développer un avion «plus électrique». |