L’automobile, l’aéronautique et l’industriel sauvent l’Europe de la récession

Le 01/04/2014 à 0:00 par Jacques zzSUEAYGhcIE

Bien qu'étant systématiquement inférieure à la croissance annuelle mondiale, la progression moyenne des industries électroniques devrait rester positive en Europe sur chacun des segments de marché professionnels durant la période 2012-2017, en grande partie grâce à la demande provenant des pays émergents, estime un rapport que vient de publier le cabinet d'étude Décision.

Avec 1,7 % de croissance annuelle moyenne sur la période 2012-2017, la production européenne d'équipements électroniques dédiés à l'automobile, à l'aéronautique et au secteur industriel et médical compense largement les difficultés des segments des technologies de l'information et de la communication » , souligne le cabinet Décision, qui vient tout juste de mettre à jour son étude globale sur les industries électroniques mondiales.

Sur chacun de ces segments de marché, nous avons interrogé les analystes de la société d'études afin de déterminer les atouts européens dans le domaine de l'électronique au cours de cette période de référence. Des atouts qui restent en effet bien réels malgré la morosité ambiante et surtout malgré les contraintes réglementaires et budgétaires qui entravent certains de ces segments de marchés comme les équipements médicaux ou ceux destinés au secteur de la défense. Aussi, l'Europe maintiendra sa position de leader du fait d'une forte demande mondiale pour les produits professionnels, qui bénéficient d'une forte croissance de leur contenu électronique.

La part de la production électronique professionnelle progresse

Examinons tout d'abord le poids de ces segments de marché au niveau mondial. Représentant 34 % de la production électronique mondiale en valeur en 2012 à 486 milliards d'euros, la production électronique professionnelle comprend les équipements embarqués dans l'aéronautique, les systèmes de sécurité et de défense, l'automobile, les trains, les bateaux, les équipements médicaux… mais aussi une myriade d'équipements pour toute l'industrie comme l'automatisation, les alimentations… Elle est amenée à progresser pour représenter 40% de la production électronique mondiale à 656 milliards d'euros en 2017 (voir tableau ci-dessus) . En effet, la croissance de la production annuelle moyenne dans chacun de ces segments professionnels devrait surpasser celle de l'ensemble de l'industrie électronique au niveau mondial évaluée par Décision à 3,2 %. Le cabinet d'études prévoit ainsi une croissance annuelle moyenne mondiale de 4,3% pour la production d'équipements électroniques pour l'aéronautique, le spatial, la défense et la sécurité, de 7% pour l'automobile, et de 6,5 % pour le secteur industriel et médical.

Au niveau européen, s'ils progressent tous les trois, les segments de l'aéronautique, de la défense et de la sécurité suivent des logiques sensiblement différentes. Avec 9,1% de croissance annuelle moyenne en Europe (contre 8,1% au niveau mondial), c'est le secteur des équipements électroniques pour l'aviation civile qui est le plus dynamique. « Le trafic aérien se porte très bien et il se vend beaucoup d'avions tous les ans, et plus particulièrement dans certaines régions : la Russie, le Moyen-Orient et l'Asie. Le taux de croissance mondiale est soutenu. Nous avons un leader mondial en Europe avec Airbus. En 2012, son chiffre d'affaires dans le domaine de l'aviation commerciale a bondi de 19 %. 534 appareils ont été livrés par Airbus en 2011, 588 en 2012, 626 en 2013. De même Boeing a livré 477 avions en 2011, 601 en 2012 et 648 en 2013», souligne Olivier Coulon, consultant en charge du secteur aéronautique. Une bonne partie des équipements électroniques pour l'aéronautique civile est réalisée en Europe, du moins pour l'électronique des moteurs et des cockpits, les équipements de divertissement comme les écrans incrustés dans les sièges étant davantage réalisés en Asie.

Autre grande tendance : hormis la croissance du nombre d'avions produits, la part de l'électronique embarquée dans ces derniers a cru sensiblement dans deux des derniers appareils mis sur le marché, l'A350 pour Airbus et le B787 pour Boeing, deux avions où certaines fonctions mécaniques et pneumatiques sont remplacées par des fonctions électriques, les freins par exemple pour les systèmes d'atterrissage et de freinage, les systèmes de sécurité et les fonctions électroniques déportées dans les ailes et la carlingue.

L'électronique représente désormais 11% du prix d'un avion

« Alors que dans les modèles A320 et B737, la part de l'électronique représentait 7% du prix de l'avion, soit 3Me, le contenu électronique des derniers appareils mis en service, l'A350 et le B787, qui sont des plus gros porteurs, avoisine 11 % de leur prix, soit environ 12 M . Cela a eu un impact immédiat sur la bonne santé de nos équipementiers aéronautiques qui maîtrisent les technologies des avions plus électriques tels que Safran et Zodiac, et qui ont vu leurs chiffres d'affaires progresser respectivement de 20 % et de 30 %. L'avion plus électrique a été une tendance forte dès 2012 puisque Boeing a livré 3 appareils B787 en 2011, 46 en 2012 et 65 en 2013. Airbus va commencer à livrer l'A350 à raison de 10 unités en 2014 et 15 unités en 2015 », évalue Olivier Coulon.

La situation est beaucoup moins favorable pour la production électronique dédiée au secteur de la défense du fait d'une évolution très différente des budgets militaires selon les pays. En 2011, les achats d'équipements militaires ont représenté 16,2 milliards d'euros en France (qui est le budget le plus élevé d'Europe), suivi par le Royaume-Uni (13,6 milliards d'euros), l'Allemagne (8,1 milliards d'euros) et l'Italie (2,5 milliards d'euros). En 2012, ces budgets ont progressé de 1,4% en France et de 5% en Allemagne, mais ont régressé de 8,6% au Royaume-Uni et de 28% en Italie! Ce qui fait globalement un budget militaire européen en baisse de 4%. En 2013, Décision prévoit une hausse de 1,2% malgré une baisse du budget de 1,5 % en France et de 4,7 % en Allemagne (mais une hausse de 37% en Italie). Enfin, en 2014, le cabinet d'études prévoit une baisse de 6,4 % des dépenses d'équipements de défense en Europe. Des chiffres qui montrent ainsi une évolution très fluctuante d'un pays à l'autre et d'une année à l'autre.

Alors que l'évolution du budget des équipements de défense devrait être globalement néga-tive pour la période 2012-2017 en France, cela produira nécessaire-ment des résultats moroses en termes de production électronique. Au niveau européen, les prévisions sont un peu plus optimistes avec une croissance de 1,5 % sur cette période (contre 3% au niveau mondial notamment grâce à l'Asie et au Moyen-Orient). « La croissance européenne n'est sauvée que parce que la Russie se réarme tandis que l'Europe occidentale et les Etats-Unis suivent la tendance inverse sur leurs marchés domestiques. Si l'on observe une légère croissance tant en Europe qu'en Amérique du nord pour les industries de défense, c'est parce que les exportations se portent bien, les marchés domestiques étant au mieux atones, au pire en baisse. D'où la stratégie d'un groupe comme Thales qui a décidé de porter ses efforts dans les pays émergents, ces prochaines années. La croissance y sera de 5% à 10% alors qu'elle ne sera que de 0% à 2% en Europe!», estime Olivier Coulon. Concernant les industries de sécurité, le spectre est assez large puisqu'il couvre la sécurité civile, les radars, le contrôle aux frontières; la cybersécurité pour le monde professionnel ; la protection des citoyens (premiers secours) ; et la protection des infrastructures critiques telle que la surveillance des bâtiments et des aéroports. Certes, le marché européen n'est pas le plus dynamique, mais nous disposons en France de leaders mondiaux tels que Morpho, société du groupe Safran, Thales, Cassidian, filiale d'Airbus Group (ex-EADS) ou encore Gemalto et Oberthur du fait des développements liés à la sécurité dans le domaine des cartes à puce. Les solutions de sécurité commercialisées par nos champions nationaux sont vendues dans le monde entier et sont produites, en partie, sur le territoire français.

= L'Europe maintiendra sa position de leader du fait d'une forte demande mondiale pour les produits professionnels, qui bénéficient d'une demande soutenue de leur contenu électronique.

La croissance annuelle moyenne des produits et des solutions électroniques dédiés au marché de la sécurité devrait être de 4,3 % en Europe, alors qu'elle devrait être de 5,2 % au niveau mondial et de 3,8 % aux Etats-Unis sur la période 2012-2017, la région la plus dynamique étant une fois de plus l'Asie, et notamment la Chine.

Le secteur industriel et médical couvre également de nombreuses applications. « Il n'y a plus de domaines industriels qui n'intègrent pas d'électronique, mais ce que nous avons coutume d'appeler “industriel” est en fait hétérogène et vaste et difficile à définir précisément. Son autre caractéristique tient dans les volumes de production, qui sont relativement peu importants et limités, tout au plus, à des séries qui se comptent en dizaines de milliers de pièces. L'équipement électronique dans le domaine industriel peut en outre être apprécié à plusieurs niveaux: la carte électronique, le rack, l'armoire. Cela explique qu'il existe de nombreux segments de marchés» , souligne Bernard Dauger, consultant en charge du secteur industriel chez Décision.

Trois leaders mondiaux du secteur industriel sont européens

Cela explique que les études de marché peuvent varier d'un cabinet d'études à l'autre selon le périmètre et les caractéristiques que les uns et les autres attribuent à ce secteur. Selon Décision, on distingue cinq grands domaines. Tout d'abord, les transports terrestres, ferroviaires, marins (hors des secteurs automobile et militaire), incluant l' off-road , c'est-à-dire les véhicules particuliers utilisés en dehors des routes (machines agricoles, engins de travaux publics, chariots élévateurs). Ensuite, on trouve les applications mettant en jeu de la puissance, avec quatre principaux segments: les alimentations, les onduleurs, le photovoltaïque, l'éclairage. Puis vient l'automatisation (automates programmables, robotique, variation de vitesse). On y inclut également l'électronique médicale avec trois grands groupes de produits : imagerie médicale, scanners, IRM (imagerie par résonance magnétique) ; simulation et implantation ( pacemakers , défibrillateurs); et enfin, des équipements variés d'aide au diagnostic et de thérapie.

Dans ses estimations sur le domaine médical, Décision ne comptabilise pas la partie des équipements informatiques et télécoms qui sont inclus dans les segments d'études propres à ce s domaines.

Enfin, le cabinet d'études inclut dans le secteur industriel tout ce qui se rapporte à l'instrumentation: mesure et test, test automatique, compteurs communicants d'électricité et de gaz.

Tous ces marchés sont relativement stables ou progressent avec une croissance lente mais régulière. Sur la période 2012-2017, la production électronique pour le ferroviaire devrait pro-gresser en moyenne de 2,5 % par an en Europe, l' off-road de 4,1 %, et les applications mettant en jeu de l'électronique de puissance pourraient progresser de façon plus importante, avec un rythme annuel moyen de 6,4 % selon Décision.

«La part de l'Europe dans la production de panneaux solaires ne représente que 8% de la production annuelle mondiale, mais nous tablons sur le fait que cette production va se développer au cours des prochaines années au rythme de 9% en Europe et de 11% au niveau mondial», estime Bernard Dauger.

«L'éclairage électronique devrait quant à lui se développer au rythme annuel moyen de 12,4 % par an. La part de l'Europe dans la production mondiale n'est que de 8% et notre continent n'est pas un lieu de production important dans ce domaine. Cependant, l'éclairage à Led devrait être porteur avec pour principaux débouchés le rétroéclairage des ordinateurs et l'éclairage général (tertiaire et résidentiel). Il représentait jusqu'à présent une part assez faible de l'ensemble des dispositifs d'éclairage, mais outre le fait que la technolo-gie Led est prête à être adoptée beaucoup plus largement dans les dispositifs d'éclairage général en Europe, le marché devrait être dynamique, car la Chine a annoncé qu'elle allait arrêter la production d'ampoules àincandes-cence. Par ailleurs, les dispositifs de réglage et de gestion intelligente de l'éclairage devraient se développer rapidement en Europe dans les années qui viennent », anticipe Bernard Dauger.

Dans le domaine de l'automatisation, la croissance annuelle moyenne de la production électronique est évaluée à 4,9 % en Europe. Une hausse conséquente qui s'explique par la recherche d'une plus grande efficacité énergétique. Les progrès dans la variation électronique de vitesse des moteurs électriques représentent une source d'économie importante et les applications utilisant ce type de dispositifs se développent rapidement. La production électronique qui leur est destinée est réalisée à 39% en Europe, et de nombreux groupes européens figurent parmi les 10 leaders mondiaux avec notamment ABB, Siemens et Schneider Electric. « La force de l'Europe dans ce domaine vient essentiellement de ces trois leaders qui représentent 56 % du chiffre d'affaires cumulé des 10 premières sociétés mondiales du secteur. Ils sont implantés mondialement. C'est un phénomène que l'on retrouve dans d'autres secteurs comme l'automobile, le ferroviaire avec Alstom, Siemens et le médical, domaine dans lequel l'Europe possède 21 % à 22 % de part de marché mondial. En dehors de la surveillance au moyen de dispositifs implantables qui reste une spécialité américaine, nous disposons d'acteurs importants en Europe comme Siemens Healthcare et Philips Medical», analyse Bernard Dauger.

La production électronique pour le secteur médical devrait croître en moyenne de 4,4 % par an entre 2012 et 2017. En fait, le potentiel pourrait être bien supérieur, car les questions de santé figurent au tout premier rang parmi les besoins sociétaux (vieillissement de la population, maladies chroniques dues à la pollution, etc.). Un certain nombre d'améliorations dans les processus de soins passent en effet par l'utilisation de systèmes électroniques. Mais ces derniers posent des problèmes de sécurité et de réglementation et il n'est pas facile de faire travailler ensemble les pouvoirs publics, les fournisseurs et le personnel médical. Aussi, beaucoup d'innovations dans le domaine médical ont du mal à trouver leur place sur le marché même si elles répondent à un besoin de la population. «En Europe, nous avons 30 situations différentes en matière de réglementation et de systèmes de santé», souligne Bernard Dauger. Dans le domaine de l'instrumentation, de la mesure et du test que Décision classe également dans le secteur industriel, il évalue la croissance de la production électronique à 4 % par an en moyenne entre 2012 et 2017 en Europe, sachant qu'il y a dans ce domaine beaucoup d'acteurs américains et japonais.

Nous avons enfin interrogé Patrice Valant, consultant spécialisé dans l'électronique automobile. Ce dernier divise ce secteur en trois sous-segments : groupe motopropulseur et châssis, sécurité et infodivertissement. Au global, la production électronique destinée à l'automobile devrait progresser de 3,6% par an en Europe sur la période 2012-2017 (contre 7% au niveau mondial). Une progression qui reste néanmoins élevée au regard de la production électronique européenne dans son ensemble évaluée à 1,7%. Dans le domaine de l'électronique automobile également, l'Europe progresse moins que la moyenne mondiale, plus particulièrement en raison du dynamisme de l'Asie. « Nous avons de grands leaders mondiaux en Europe tels que Bosch, Valeo et Magnetti Marelli. Ils ont compris que la croissance du marché asiatique est telle qu'il faut s'en rapprocher. Ils y ont établi des liens de confiance sur le long terme, car les procédés en termes de fiabilité, de sécurité, de mise à disposition des équipements, de durée de vie des plates-formes sont longs à établir. La croissance sur les marchés matures étant appelée à être plus faible, la progression du parc automobile va se faire en premier lieu en Asie. Un autre différentiel entre l'Asie d'une part, et l'Europe et l'Amérique du nord d'autre part, est lié au taux de pénétration de l'électronique. Ce dernier étant moins important en Asie, les perspectives de croissance y sont plus fortes. Enfin, il y a une dimension réglementaire et sociétale qui est de nature à peser sur la croissance du marché de l'automobile, surtout dans les pays matures. L'Autolib répond à des contraintes d'encombrement et de pollution dans les grands centres urbains. Il y a une volonté politique pour limiter l'usage de la voiture individuelle dans des villes comme Paris ou orienter l'usager vers des solutions de transport non polluant», souligne Patrice Valant.

Les pouvoirs publics ont un rôle prescripteur très important dans l'automobile, non seulement dans la gestion électrique du moteur, mais aussi dans la pénétration des équipements de sécurité (airbags, ABS, air conditionné, capteurs de pression de pneus, ceintures de sécurité qui consomment également de l'électronique avec les prétensionneurs). Cette réglementation se retrouvera dans la voiture connectée afin de répondre au défi de la sécurité routière qui doit se traduire essentiellement par une réduction du nombre de victimes d'accidents de la route. Cela repose sur la mise en place de systèmes électroniques à l'instar du système eCall qui va être imposé en Europe dès 2015.

Concernant le groupe motopropulseur et le châssis, la croissance devrait être faible, car c'est la partie de l'automobile où la pénétration de l'électronique est déjà très avancée. Cela inclut les systèmes de contrôle moteur, la suspension, le contrôle antipatinage, l'ABS où le taux de pénétration est voisin de 100 %. Une croissance annuelle moyenne de 2,6 % est prévue sur la période 2012-2017.

La sécurité est l'un des moteurs de la croissance dans l'automobile

Viennent ensuite les équipements de sécurité dédiés aux passagers et aux véhicules (antivol, antidémarrage et bien plus). Nous sommes en train d'assister à l'explosion des solutions électroniques d'aide à la conduite avec des systèmes antifranchissement de ligne continu et anticollision qui sont désormais des arguments en termes de marketing et de vente. Sur les voitures de dernière génération, on trouve également des systèmes anti-endormissement. Sur ce segment de la sécurité, la croissance annuelle moyenne attendue par Décision en Europe est de 5,6 %. Enfin, l'infodivertissement, qui implique de plus en plus souvent l'intégration d'un écran dans le tableau de bord, est appelé à se développer avec des grands de l'informatique impliqués aussi bien dans le matériel que dans le logiciel, tels qu'Apple et Google. Pour le moment, il s'agit d'intégrer le smartphone dans la voiture en retrouvant toutes ses fonctions et dans des conditions optimales de sécurité. La croissance annuelle moyenne sur la période étudiée pour ce segment devrait être de 3,6% en Europe, selon le cabinet d'études.

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