Les conseils de trois experts des réseaux pour l’IoT industriel afin de faire les bons choix

Le 17/04/2020 à 12:00 par La Rédaction

LoRa, Sigfox, NB-IoT, LTE-M, Wi-Fi, Bluetooth, Zigbee, 2G, 3G, 4G… et bientôt 5G. Les solutions pour faire communiquer les machines entre elles sont aujourd'hui pléthoriques. Reste à faire le bon choix. Pour cela, rien de mieux que de donner la parole à trois experts en la matière qui nous livrent ici leurs conseils pour faire avancer un projet et éviter les écueils. Entretiens croisés avec Maxime Bourgeois, cofondateur et directeur technique de Blackfoot, Bernardo Cabrera, directeur de la BU IoT Objenious, et Gilles Mahé, responsable avant-ventes solutions IoT chez Sigfox France.

Quel est le positionnement de votre société dans le domaine de l'IoT industriel et quelles sont les technologies de réseaux utilisées ?

MAXIME BOURGEOIS Nous avons créé Blackfoot en 2016, en sortant d'Epitech, et nous nous définissions comme l'éco-système expert des nouvelles technologies, qui fabrique B l'innovation. Notre volonté d est d'accompagner nos clients (grands groupes et “ h start-up) dans leurs d démarches de transforma- c tion et d'innovation. Nous v créons des solutions techno- i logiques innovantes, effi- c caces et durables pour t répondre avec précision à leurs objectifs stratégiques et accélérer le développement de leurs projets. En fondant Blackfoot, nous nous sommes enga-gés à créer un écosystème ouvert et à ne pas nous enfer-mer dans l'ultra-spécialisation. Notre équipe est composée d'experts passionnés et touche-à-tout, aussi bien sur le développement d'applications mobiles que sur des probléma-tiques liées à l'IA, aux inter-faces, à la réalité augmentée et aux solutions IoT. Nous mettons également un point d'honneur à utiliser toutes les nouvelles approches de design pour créer des produits toujours plus performants, plus respectueux des données des utilisateurs et moins polluants numériquement. Notre positionnement fait que nous connaissons tous les nouveaux boards de prototypage IoT, nous permettant de faire des objets connectés avec des technologies et des réseaux adaptés aux besoins de nos clients.

BERNARDO CABRERA, directeur de la BU IoT Objenious “ La ville communicante avec ses horodateurs connectés, la gestion de ses lampadaires, le suivi de ses containers de déchets et sa vidéosurveillance est une bonne illustration de la diversité et complémentarité des technologies de l'IoT.

Pour le secteur industriel par exemple, nous nous rendons directement sur les sites, et sommes capables d'intégrer des fonctionnalités technologiques et des objets connectés directement sur les anciennes machines, avec des cartes à moindre coût, pour connecter ces machines entre elles.

BERNARDO CABRERA Objenious est la marque de Bouygues Telecom dédiée aux objets connectés. Elle simplifie la vie des clients en proposant des solutions IoT et M2M adaptées à leurs contraintes métiers, et en leur apportant un vaste choix technologique selon leurs besoins, avec les technologies sans fil (2G, 3G, 4G, LoRa, bientôt LTE-M et 5G) et fixe (xDSL, FTTO, VPN, etc.). Objenious conseille, accompagne et fournit des services afin de faciliter la connectivité des objets, la collecte et l'intégration des données dans les applications IoT. Cette équipe dédiée, forte de son expertise IoT depuis 20

ans, propose de nombreux services personnalisés (conseil, étude, accompagnement, formation, déploiement, réseau dédié, plateformes, offres sur mesure, etc.) sur tous types de projets, qu'ils soient nationaux ou internationaux.

GILLES MAHÉ Sigfox accompagne les entreprises dans la définition, la conception et l'implémentation de solutions à base d'IoT à travers une approche orientée métier et pragmatique.

Les communications M2M classiques sont déployées depuis de nombreuses années. Pourquoi avoir développé l'IoT industriel et qu'apportent ces nouvelles technologies de réseaux par rapport aux technologies M2M classiques ? MAXIME BOURGEOIS En effet, les réseaux installés sur les machines industrielles existent depuis bien longtemps, la radiofréquence n'étant pas une technologie récente. Avant, pour installer des réseaux IoT industriels, la technologie GSM était la plus communément utilisée pour déployer à large échelle, mais celle-ci était coûteuse à installer et ne parvenait pas à assurer aux machines les plus légères une forte autonomie. Aujourd'hui, de nouveaux leviers se sont débloqués. Le compromis trouvé entre le coût des composants, une meilleure capacité d'autonomie et la robustesse des réseaux permet de déployer des flottes d'objets plus simplement avec un meilleur compromis coût/consommation/sécurité/fiabilité. Chez Blackfoot, nous testons quotidiennement ces nouvelles technologies et notre expertise nous permet de trouver pour chaque projet la solution optimale en IoT et de proposer des prototypes sur-mesure.

BERNARDO CABRERA Le marché global des objets connectés est en pleine croissance. Les cas d'usage sont de plus en plus en nombreux et repoussent chaque fois les limites du possible. Par exemple, le marché s'est beaucoup développé avec l'essor de la géolocalisation de flotte de véhicules. Par la suite, des acteurs ont innové pour offrir des applications d'avertisseurs de zone de danger ou encore d'e-conduite et, aujourd'hui, nous sommes à l'avènement de l'industrie 4.0 avec des solutions de traçabilité et de tracking . Pour répondre à cet environnement de plus en plus varié, innovant et exigeant, il est important de pouvoir proposer un éventail de technologies complémentaires. L'IoT, à travers les réseaux LPWAN type LoRa, permet la mise en place de nouveaux cas d'usage, notamment pour la maintenance des équipements, la performance énergétique ou encore la logistique. Grâce à des capteurs autonomes en énergie pendant plusieurs années et aussi plus petits, les entreprises peuvent aller capter de l'information au plus proche du terrain et à moindre coût.

GILLES MAHÉ Les communications M2M classiques utilisent soit des solutions filaires, soit des solutions sans fil non optimisées ne permettant pas d'adresser tous les cas d'usage tels que le suivi d'actifs circulants, par exemple. Les nouvelles solutions, du fait de leur simplicité et de leur frugalité, ouvrent de nouvelles possibilités. De plus, souvent non intrusives, elles permettent d'équiper des machines sans modification de ces dernières.

Évoquons tout d'abord les technologies de réseau d'IoT dont on parle le plus souvent actuellement, à savoir les solutions bas débit, longue portée, que sont LoRa et Sigfox. Quelles sont leurs principales caractéristiques et qu'est-ce qui les différencie ?

MAXIME BOURGEOIS La première caractéristique de ces deux réseaux, c'est qu'il s'agit par essence de réseaux bas débit, conçus pour n'envoyer que de petites informations. Ils assurent également une réelle sécurité, avec des envois d'informations confidentielles et non falsifiables. Leur objectif étant de se déployer sur des réseaux IoT avec une durée de vie très longue grâce à un faible impact sur la batterie. Leur différence majeure porte sur leur déploiement. Sigfox est un opérateur, comme Orange sur le secteur des télécoms. Si l'on souhaite utiliser ce réseau pour un déploiement sur un parc de machines, cela implique une prise d'abonnement avec un paiement pour utiliser le réseau de Sigfox. À l'inverse, LoRa n'est pas un opérateur mais une technologie, avec un consortium de grands groupes industriels l'utilisant. Lorsque l'on souhaite mener à terme un projet d'équipement industriel, LoRa permet de déployer son prototype sans la nécessité de sous-crire à un abonnement, avec un réseau à grande portée d'environ dix kilomètres. Ainsi, nous pouvons utiliser des antennes ou points relais partout et étendre à l'infini la portée de notre réseau sur l'ensemble du parc industriel. Sigfox est donc propriétaire, alors que LoRa est une technologie à part entière. Notons qu'il existe en France l'opérateur Objenious qui propose un réseau LoRa déployé sur l'ensemble du territoire.

MAXIME BOURGEOIS, cofondateur et directeur technique de Blackfoot

Chaque technologie de réseau IoT ayant ses propres caractéristiques, avec ses avantages et ses inconvénients, il faut donc réussir à trouver le bon compromis et poser les bases de ce que l'on souhaite développer comme machine avant de déterminer la technologie la mieux adaptée.

BERNARDO CABRERA Les technologies LPWA, pour low power wide area , permettent de connecter des objets sur des zones étendues avec une autonomie énergétique de plusieurs années (plus de dix ans dans certains cas). Ouvrant la porte à de nombreux usages, ces technologies sont également moins coûteuses : non seulement le coût des objets est raisonnable, mais leur autonomie énergétique réduit considérablement les coûts de maintenance. En particulier dans le domaine industriel, ces capteurs s'installent facilement sans incidence sur les chaînes de production. La technologie LoRa est une technologie « ouverte » qui favorise l'innovation. La LoRa Alliance, qui comprend plus de 500 membres (opérateurs, industriels, etc.) dans le monde entier, a fait de cette technologie un standard à l'international. De plus LoRa intègre nativement un mécanisme de chiffrement symétrique qui utilise trois clés : une clé primaire d'authentification et deux clés secondaires, l'une associée au transport et l'autre aux données issues de l'objet. Objenious utilise en complément un système de gestion de clés de cryptage ( key management services , KMS) opéré par un tiers de confiance. Le réseau LoRaWAN d'Objenious utilise également toute l'infrastructure de backhauling Bouygues Telecom sécurisé en PKI permettant une étanchéité forte sur toute la chaîne réseau. Enfin la capacité de communication est plus importante pour LoRa et la technologie est bidirectionnelle (envoi/réception des messages). Signalons également que c'est une technologie particulièrement bien adaptée pour proposer un réseau hybride, alliant à la fois un réseau national et des réseaux locaux.

GILLES MAHÉ Les solutions telles que LoRa ou Sigfox utilisent des bandes publiques, non soumises à licence. Contrairement à LoRa, Sigfox repose sur une technologie ultra narrow band émettant des petits messages qui n'occupent qu'une partie très étroite de la bande radio. Le réseau Sigfox présente plusieurs avantages. Il s'agit tout d'abord d'un réseau 0G global, déployé dans 70 pays, et donc permettant à un objet d'être utilisé en plusieurs lieux. De plus, le réseau de Sigfox est isofonctionnel, quel que soit le pays. Il se caractérise également par un faible coût, une grande simplicité d'utilisation et une consommation suffisamment faible pour envisager une autonomie de plusieurs années pour des objets sur batterie ou pile. Précisons également que le réseau Sigfox présente une forte résistance au brouillage.

Même question pour les réseaux NB-IoT et LTE-M ?

MAXIME BOURGEOIS À mes yeux, les réseaux de type NB-IoT, qui sont soutenus par de grandes entreprises comme Huawei, sont similaires dans leurs fonctionnalités à Sigfox, c'est-à-dire que ce sont des réseaux utiles pour remonter de petites quantités d'informations et pour équiper un grand parc de machines. Les réseaux LTE-M, quant à eux, sont supportés par de grands groupes des télécoms, comme Orange, et ils permettent un envoi de données plus conséquent (un signal audio par exemple). Le pari est qu'il existera bientôt des modems multicompatibles efficaces permettant de sélectionner le type de réseau/ norme adapté à l'utilisation actuelle. Il s'agit en réalité de normes fonctionnant sur la technologie 5G. Nous avons hâte d'expérimenter un premier projet avec ces technologies qui risquent de faire parler d'elles.

BERNARDO CABRERA La technologie LTE-M, basée sur la technologie LTE 4G actuelle, permet de répondre aux projets IoT nécessitant des débits plus élevés que les autres technologies du type LPWA, de répondre à des cas d'usage plus complexes qui exigent du temps réel, une fiabilité et une faible latence. Cette technologie permet aussi de réduire les coûts des boîtiers M2M-IoT, structurants pour le développement de nouvelles solutions. Le haut débit du LTE-M est une caractéristique importante pour répondre à des cas d'usage nécessitant de la voix et de la vidéo, comme les ascenseurs connectés qui transmettent de la voix en cas d'incident, ou des systèmes de sécurité basés sur de la vidéo-surveillance. Mais le défi pour cette technologie cellulaire est aussi de répondre à la réduction de la consommation énergétique du module IoT et à une couverture indoor plus forte : des atouts déterminants pour le succès de son développement. Le NB-IoT dérivé de la 4G doit répondre à une consommation énergétique plus réduite avec un débit néanmoins plus faible et une latence plus importante. De plus, les services voix et SMS ne sont pas disponibles tout comme la gestion de la mobilité. Néanmoins, les technologies actuelles telles que LoRa conservent un avantage indéniable en termes d'autonomie énergétique et resteront incontournables pour des cas d'usage « simples » où la consommation énergétique ainsi que le coût du boîtier IoT restent primordiaux.

GILLES MAHÉ Les solutions NB-IoT et LTE-M ont été développées afin que les opérateurs cellulaires puissent, en plus des services données et voix, offrir des services IoT, à l'instar des réseaux tels que Sigfox. Ces standards, spécifiés dans le cadre du 3GPP, utilisent des fréquences radio licenciées. NB-IoT, au contraire de LTE-M, peut être déployé hors du spectre radio dédié LTE, permettant par exemple de réutiliser des fréquences GSM. Chaque opérateur peut choisir NB-IoT, LTE-M, voire les deux. De ce fait, beaucoup de modules radio pour les objets connectés vont être capables de gérer les deux standards, ainsi que de la 2G en cas d'absence de NB-IoT ou LTE-M sur le territoire visité. Ce type de modules radio a un coût plus élevé qu'un module Sigfox. Pour un même standard, il peut y avoir des différences de fonctionnalités entre deux pays ou opérateurs, chacun déployant en fonction de ses besoins et avec des constructeurs d'infrastructure différents.

GILLES MAHÉ responsable avant-ventes des solutions IoT chez Sigfox France “ Avant de penser technologie, il est important de discuter du cas d'usage avec les personnes de l'entreprise dont c'est le métier. Ils seront les seuls à même de souligner les spécificités de leur activité et de caractériser leurs besoins.

Quid des réseaux cellulaires type 2G/3G ?

MAXIME BOURGEOIS Le principal avantage des réseaux de type 2G/3G est tout d'abord leur déploiement extraordinaire au niveau mondial. Cette technologie, utilisée aujourd'hui par tous les smart-phones, est la plus mainstream au monde. Le débit qu'un réseau 3G/4G génère est incomparable. Nous pouvons cependant relever un inconvé-nient notable : de tels réseaux ont un impact important sur la batterie et il est donc très difficile de créer des appareils industriels compacts autonomes avec eux. De plus, contrairement à Sigfox, les réseaux 2G/3G ne sont pas réunis sous un seul opérateur, ce qui pose des questions de coût lors de déploiements internationaux.

BERNARDO CABRERA Les projets IoT et M2M s'inscrivent dans la durée avec des déploiements sur plusieurs années. Les réseaux cellulaires 2G et 3G accueillent toujours actuellement des flottes M2M importantes – en plus du trafic mobile grand public, par exemple du parc encore présent de mobiles d'ancienne génération ou du trafic voix des smartphones non compatibles VoLTE. Ces technologies permettent la mobilité et d'utiliser tous les services avec, par exemple, le SMS en backup de la data . Le LTE-M sera une alternative à ces technologies, notamment pour la pérennité des nouveaux projets à venir. Le choix du module M2M ou IoT dans les projets futurs est souvent déterminant.

GILLES MAHÉ Les réseaux cellulaires type 2G et 3G ont été spécifiés pour des terminaux connectés au secteur ou dont les batteries peuvent être rechargées facilement. Ce sont des standards non dédiés à l'IoT et donc non optimisés pour ce type d'usage. Il est probable qu'à terme les opérateurs, afin de libérer des fréquences, décommissionnent la 2G ou la 3G, rendant les systèmes caducs.

Qu'en est-il des autres technologies sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, etc.) ?

MAXIME BOURGEOIS La plus grande différence entre ces technologies (par rapport à celles mentionnées plus tôt), c'est leur portée. Alors qu'avec Sigfox, LoRa ou les réseaux 2G/3G, nous pouvons mettre en place des technologies à longue portée (nous parlons ici de plusieurs kilomètres), les réseaux Wi-Fi et Bluetooth ne fonctionnent que sur quelques dizaines de mètres. Prototyper un produit avec une technologie Bluetooth/Wi-Fi implique forcément la présence d'un relais proche pour contrôler la machine à distance. Chez Blackfoot, nous recommandons d'utiliser une technologie de ce type pour des objets connectés d'utilité « domestique », car nous pouvons généralement nous appairer au routeur de la maison (Wi-Fi) ou au téléphone de l'utilisateur (Bluetooth). Une fois appairé, l'IoT est connecté à Internet, donc accessible depuis n'importe où.

BERNARDO CABRERA D'autres technologies IoT sont effectivement très répandues (Wi-Fi, Bluetooth, Zigbee), notamment dans les objets connectés « grand public » (pèse-personnes, appareils domotiques, etc.). Elles sont également complémentaires et participent à l'essor de ce marché, mais ont généralement une couverture réseau plus restreinte et sont utilisées uniquement en local et majoritairement sous forme de petits réseaux privés.

GILLES MAHÉ Ce sont des technologies avec une portée courte. Ces technologies peuvent être utilisées en complément de solutions telles que Sigfox, par exemple pour faire du maillage et de la localisation précise d'objets dans une usine à l'aide de beacons Bluetooth, ou pour piloter des robots grâce à du Wi-Fi.

Et la 5G dans tout ça ? MAXIME BOURGEOIS Bien que la 5G soit au centre des préoccupations actuelles pour les professionnels, cette technologie est encore émergente. La technologie est fonctionnelle ; certains opérateurs déploient déjà en test des camions « bulle 5G ». Cependant, à ma connaissance, aucun ne propose encore de déploiement généralisé de ce type de réseau. Elle devrait avoir un spectre d'action extrêmement large, dont nous n'avons pas encore totalement conscience aujourd'hui. Elle sera à la fois capable de proposer des débits de données très hauts et une forte autonomie. Pour ces deux aspects, c'est une technologie qui s'annonce très prometteuse et que nous avons hâte de découvrir. Bien sûr, ce n'est pas magique, et entre rapidité extrême et autonomie, il faudra faire un choix. Contrairement aux autres réseaux, les puces 5G pourront s'adapter à la situation pour choisir le meilleur compromis selon les cas (NB-IoT et LTE-M). Il reste cependant quelques interrogations pour les professionnels et les industriels. Beaucoup pensent que l'aspect Machine-to-Machine ne passera bientôt plus que par un réseau 5G, mais est-ce que celui-ci sera aussi performant qu'un réseau Sigfox ? L'avenir nous le dira. Nous avons la certitude que ce réseau va permettre d'appréhender les projets IoT de manière différente : des envois de données à très bas débit, une faible consommation énergétique, tout en étant en mesure d'envoyer des données à très haut débit en cas d'urgence. Son déploiement via les smartphones laisse présager un passage à l'échelle très rapide et donc un réseau de qualité ainsi que des composants produits massivement, donc abordables.

BERNARDO CABRERA Les fonctionnalités IoT de la 5G adresseront essentiellement les besoins de faible latence et de communication massive. Elles vont contribuer à la croissance de ce marché. Des attentes sont particulièrement fortes dans le domaine de la voiture connectée avec l'essor des services d' infotainment [ info-divertissement , NDLR], du véhicule électrique et, bientôt, du véhicule autonome.

GILLES MAHÉ La 5G va permettre d'adresser des cas d'usage nécessitant une latence très faible et des débits importants, à l'opposé des réseaux bas débit tels que le réseau 0G de Sigfox. La 5G sera ainsi utilisée par exemple pour de l'IoT industriel nécessitant des échanges temps réel, du pilotage de robots ou de la remontée d'informations de diagnostic. D'ailleurs, le régulateur allemand a réservé une partie du spectre 5G, permettant à des entreprises d'avoir une licence d'utilisation à usage privé.

BERNARDO CABRERA, directeur de la BU IoT Objenious “ Tous les secteurs d'activité (santé, automobile, industrie, énergie, etc.) et toutes les tailles d'entreprises peuvent trouver dans l'IoT industriel, et les réseaux associés, une source de gains de performance, d'optimisation des coûts, de développement d'activité ou de création de solutions innovantes.

Pour ces différentes technologies, quelles sont les applications visées ?

MAXIME BOURGEOIS Chacune ayant ses propres caractéristiques, avec ses avantages et ses inconvénients, il faut donc réussir à trouver le bon compromis et poser les bases de ce que l'on souhaite développer comme machine avant de déterminer son réseau IoT. Chez Blackfoot, nous recommandons à nos clients de définir en premier lieu les caractéristiques importantes pour le bon fonctionnement de leur projet/machine/application (portée, sécurité, coût, temporalité du projet, etc.). Nous vivons actuellement dans un monde très riche en offres télécoms, les possibilités sont nombreuses, il faut donc parvenir à déblayer les choix qui s'offrent à l'entreprise afin d'élire le réseau optimal. Par exemple, pour un projecteur de contes pour enfants en ombres chinoises, nous avons choisi d'installer du Bluetooth, car fonctionnant avec une application sur le téléphone des parents. En ce qui concerne le système de streaming de données de notre drone de test, nous utilisons le Wi-Fi avec antenne directionnelle pour avoir un excellent débit, même en zone reculée. Quant au projet d'équipement d'un parc complet de machines industrielles qui nous occupe actuel-lement, nous avons choisi la technologie LoRa pour pouvoir déployer notre réseau et garantir la fiabilité du système, même dans des circonstances extrêmes.

BERNARDO CABRERA Tous les secteurs d'activité (santé, automobile, industrie, énergie, etc.) et toutes les tailles d'entreprises vont trouver dans l'IoT une source de gains de performance, d'optimisation des coûts, de développement d'activité ou de création de solutions innovantes. Le secteur phare de la ville communicante avec les horodateurs connectés, la gestion de lampadaires électriques, le suivi des containers de déchets ou encore le développement de la vidéosurveillance est une bonne illustration de la diversité et de la complémentarité des technologies.

GILLES MAHÉ Les applications visées sont nombreuses, telles que la télérelève, le suivi et la gestion d'actifs circulants, la smart city , l'industrie 4.0, l'agriculture, la maintenance préventive ou des applications nécessitant de l'imagerie. Les possibilités sont vastes puisqu'elles peuvent s'adresser soit aux industriels, collectivités et fournisseurs de services, soit au grand public. Certains cas d'usage peuvent nécessiter une combinaison de plusieurs technologies afin de bénéficier des avantages de chacune. Ainsi, il est possible d'utiliser le réseau 0G de Sigfox en secours ou pour remonter des informations simples.

Comment sont déployés ces réseaux IoT au niveau du territoire ?

MAXIME BOURGEOIS Concernant les réseaux 2G/3G/4G, ceux-ci sont développés mondialement, puisqu'utilisés par toute personne ayant un smart-phone. Pour les réseaux Sigfox et LoRa, je dirais que Sigfox est plus mature car présent sur quasiment tout le territoire, même dans les zones les plus isolées, et son déploiement international devient impressionnant. Nous conseillons cependant de faire des tests en amont si le lieu de mise en fonctionnement du réseau IoT est dans une zone montagneuse, par exemple.

BERNARDO CABRERA Objenious propose une solution hybride avec un réseau national et des réseaux locaux. Cette flexibilité de déploiement permet un système de déploiement hybride public/privé. Elle est particuliè-rement bien adaptée au regard des besoins des clients, des collectivités publiques et des industriels disposant de sites privés.

GILLES MAHÉ responsable avant-ventes des solutions IoT chez Sigfox France

GILLES MAHÉ Sur le territoire, sont d'abord couvertes les zones à forte activité, villes et zones industrielles, pour ensuite s'étendre vers les zones rurales. En parallèle sont couverts les axes avec des flux importants tels que les axes routiers, principalement pour les cas d'usage impliquant des actifs circulants. Une fois le réseau déployé avec une couverture suffisante, il est possible de faire de la densification ou de renforcer la couverture dans des lieux difficilement couverts par le réseau macro, tels que les parkings souterrains.

Comment développer une solution, concrètement, au sein d'une entreprise industrielle ? À quel investissement consentir, pour quel retour sur investissement (ROI) ?

MAXIME BOURGEOIS Si l'IoT ne fait pas partie du cœur de métier de l'entreprise mais qu'elle souhaite développer des machines utilisant cette technologie, je leur recommande de faire appel à des experts. Chez Blackfoot, pour être sûrs d'avoir compris toutes les données et enjeux de la mission, nous démarrons par une phase d'analyse de la demande, avec des ateliers de design thinking et de récolte du besoin utilisateur (effectués par des spécialistes de la user experience et des techniciens). Selon le sujet, nous choisissons nos experts Blackfoot et les mettons autour de la table pour définir avec le client ses besoins industriels et les meilleures technologies à utiliser. Côté ROI, la première chose à définir est la question du coût, comment le dimensionner et envisager le retour sur investissement. Nous le chiffrons, grâce à une étude précise, réalisée en amont, et incluant tous les partenaires nécessaires à la réalisation de la mission. Nous indiquons les volumes financiers de chacune des étapes, pour connaître précisément le coût de l'industrialisation. Évi-demment, nous sommes à l'heure des projets agiles et tenons informés nos clients de l'impact financier et fonctionnel de toute modification du cahier des charges. Une fois cette étape validée, nous passons au prototypage. Les prototypes sont d'abord déployés sur un ensemble réduit de machines et, ensuite, nous passons à la production pour un déploiement à grande échelle. Chez Blackfoot, nous nous adaptons aux clients car chaque projet est différent. Nous les aidons à définir leurs besoins. Ils doivent avoir toutes les informations pour être en mesure de décider quelle sera la meilleure technologie à utiliser. Nous évitons l'approche des composants « sur étagère » prêts à être installés. Les expériences de nos clients nous montrent que ce n'est pas toujours efficace, ni moins cher.

Pour choisir le bon réseau IoT, il est important d'aborder la solution dans sa globalité (objet, réseau et application côté « cloud »), chaque élément devant former un ensemble cohérent. Traiter chaque composante séparément peut être source d'échec.

BERNARDO CABRERA L'IoT LPWA apporte des innovations récentes et implique des transformations importantes dans les entreprises en termes de technologie, processus et organisation. La partie Objet et Réseau est maintenant bien mature sur les technologies M2M et LoRaWAN avec des coûts compétitifs. L'offre de plateformes métiers ou Big Data est large et l'accompagnement dans l'intégration des plateformes IoT est souvent nécessaire. Les gros chantiers reposent sur la conduite de changement au niveau des processus et de l'organisation dans l'entreprise. Elle est nécessaire à la fois pour s'approprier les nouvelles opportunités qu'offre la digitalisation des entreprises et pour s'organiser face à l'arrivée de nouveaux acteurs, comme cela peut être le cas, par exemple, dans le secteur automobile. Les retours sur investissement sont chaque fois plus importants. Notons, par exemple, le cas de l' assets tracking [ suivi en temps réel des marchandises, NDLR] qui permet rapidement d'obtenir un ROI par rapport aux pertes et vols de marchandises. Dans cet exemple, le potentiel du ROI va même bien au-delà de cela, avec l'augmentation des taux d'utilisation des marchandises, l'amélioration de la chaîne d'approvisionnement grâce à la connaissance des ETA ( estimated time of arrival ) sur la chaîne de production, ou bien encore avec la numérisation des transactions de transfert de propriété de ces marchandises tout au long de la chaîne logistique. Là encore, il est paradoxalement sous-estimé, sans tenir compte de l'impact sur la qualité de la relation client et l'atout concurrentiel qu'il apporte au niveau des ventes et de l'image de marque de la société.

GILLES MAHÉ Avant de penser technologie, il est important de discuter du cas d'usage avec le métier. Par exemple, pour un cas d'usage logistique, il faudra avant tout discuter avec les personnes de l'entreprise dont c'est le métier. Ils seront les seuls à même de caractériser leurs besoins, leurs attentes et de souligner les spécificités de leur activité. De plus, il est nécessaire de prendre en compte toute la chaîne amont incluant, entre autres, les étapes de mise en service de la solution et des objets. En effet, ces étapes sont structurantes pour le business model , le calcul du ROI et aussi les spécifications techniques. C'est seulement à l'issue de cette phase d'étude que pourront être engagées les phases de spécifications techniques, les choix technologiques ainsi que toutes les phases de prototypage et tests avant le déploiement industriel. Il est aussi important d'aborder la solution dans sa globalité – objet, réseau et application côté cloud –,chaque élément devant former un ensemble cohérent. Traiter chaque composante séparément peut être source d'échec.

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